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BIOGRAPHIE DE MALHERBE

François De Malherbe

 

François De Malherbe

Poète français, né à Caen vers 1555 d'une famille noble protestaante, décédé le 16 octobre 1628 à Paris.

Il servit dans les troupes de la Ligue, et n'en fut pas moins, au retour de la paix, bien accueilli par Henri IV, qui lui accorda une pension. Il se fit connaître par des pièces de poésie où l'on trouvait une harmonie et une pureté de style jusqu'alors inconnues ; il porta si loin la sévérité de son goût qu'il fut appelé le tyran des mots et des syllabes. Il parvint ainsi à épurer notre langue et mérita les éloges que lui donna Boileau :

Enfin Malherbe vint, et le premier en France
Fit sentir dans les vers une juste cadence,
D'un mot mis en sa place enseigna le pouvoir, etc.

Malheureusement ses poésies, si remarquables par le style, brillent beaucoup moins du côté de l'invention. Elles consistent en odes, paraphrases de psaumes, stances, épigrammes, sonnets, les pensées traduites de Sénèque.

Il en a été fait de nombreuses éditions par Chevreau, 1723 ; S.-Marc, 1727 ; Querlon, 1764 ; Lefèbvre, 1825 ; Delatour, 1841. Racan a écritsavie.

Malherbe avait plusieurs enfants : il eut le malheur de leur survivre ; le dernier fut tué en duel par de Piles en 1627.

 

FRANÇOIS DE MALHERBE

PAR

E. GÉRUZEZ

François de Malherbe appartient à la Normandie par sa naissance, et par son génie il honore la France entière. Né en 1556, sous Henri II, mort en 1628, sous Louis XIII, il inaugure l'ère des temps modernes par une réforme mémorable qui a limité et consommé l'œuvre entreprise par Ronsard et son école. Le tort de Malherbe est d'avoir traité ses précurseurs en ennemis. Cela tient à son tempérament despotique, qui d'ailleurs a été le principe de son autorité. Plus équitable, il aurait eu moins de prise sur ses contemporains. Tel qu'il est, c'est un maître ; on a pu le traiter de pédagogue et le proclamer le tyran des syllabes, mais sa leçon a profité. Malherbe, dont la maturité correspond au règne de Henri IV, a été dans l'ordre poétique ce que son maître fut dans l'État ; il a établi des lois fondées en raison, et il a commandé l'obéissance.

Malherbe est un fondateur. C'est de lui que date le véritable avènement de la poésie lyrique en France, Grèce à lui, la poésie, devenue musicale, a pu enfin satisfaire les oreilles les plus délicates. La strophe suivante n'est-elle pas tout ensemble de la musique et de la peinture ?

Le pauvre en sa cabane ou le chaume le couvre
Est sujet à ses lois,
Et la garde qui veille aux barrières du Louvre
N'en défend pas nos rois.

Sur le même sujet, la puissance de la mort, qui ramène enfin les hommes à l'égalité, avons-nous rien de plus ému et de plus harmonieux que la strophe qu'on va lire ?

Tout ce que la grandeur a de vains équipages,
D'habillements de pourpre et de suites de pages,
Quand le terme est eschu, n'allonge point nos jours ;
Il faut aller tout nus où le destin nous range,
Et de toutes douleurs, la douleur la plus grande,
C'est qu'il faut quitter nos amours.

Dans la même pièce, adressée « aux ombres de Damon, » et qui contient l'éloge de sa veuve, se trouve la strophe suivante, qui n'est pas moins harmonieuse :

J'ai vu maintes beautés à la cour adorées
Qui des vœux des amans il l'envi désirées
Aux plus audacieux ostoient la liberté,
Mais de les approcher d'une beauté si rare,
C'est vouloir que la rose au pavot se compare,
Et le nuage a la clarté.

Voilà bien, comme dit Boileau, cette « langue réparée, qui n'offre plus rien de rude à l'oreille épurée. » Aussi ne sommes-nous pas surpris de lire dans le Discours sur les œuvres de M. de Malherbe, mis par Godeau en tête de l'édition de 1635 : « Toutes les oreilles qui ne sont point barbares sont charmées par la douceur de ses vers. » Au reste, Malherbe a eu de l'oreille avant d'avoir du goût ; car dans la pièce sur les Larmes de saint Pierre, imitée de Tansille, où abondent les pointes et les hyperboles si chères à l'Italie, il y a déjà des strophes dont le rhythme est irréprochable.

On peut avouer que l'enthousiasme lyrique est rare dans Malherbe ; mais on a tort de nommer froideur la gravité qui ne l'abandonne jamais, même lorsqu'il s'échauffe ou qu'il s'attendrit. Il se possède sans doute ; mais il est ému ;

Son feu contenu n'a point de flamme, mais on en sent la chaleur ; son imagination colore rarement les objets, mais elle les grave toujours avec force et netteté. Ce n'est pas le pinceau, c'est le burin qui donne tant de relief à celle strophe sur la guerre :

La discorde aux crins de couleuvres,
Peste fatale aux potentats,
Ne finit ses tragiques œuvres
Qu'en la fin même des États ;
D'elle naquit la frénésie
De l'Europe contre l'Asie ;
Et d'elle prirent le flambeau
Dont ils désolèrent leur terre,
Les deux frères de qui la guerre
Ne cessa pas dans le tombeau.

On n'a pas remarqué que la strophe de dix vers, si harmonieuse dans Malherbe, n'a pas la même cadence que chez nos poètes, où elle se divise invariablement en un quatrain suivi de deux tercets. Malherbe la repose bien après le quatrième vers ; mais pour les six derniers la suspension est tantôt à la fin du second, tantôt à la fin du quatrième ; ce qui donne un distique entre deux quatrains ou deux quatrains suivis d'un distique. Le mouvement de nos dizains lyriques est plus rapide ; il est moins uniforme et plus solennel dans Malherbe. La strophe que nous venons de transcrire nous offre un exemple du distique entre deux quatrains. Prenons un exemple de l'autre cadence dans l'ode à Marie de Médicis, où le poète engage la nouvelle épouse à retenir son mari éloigné de la guerre. Il doit, dil-il, se conlenter d'avoir forcé l'Espagne à mettre bas ses armes et sa colère.

Mais d'aller plus à ces batailles
Où tonnent les foudres d'enfer
Et lutter contre des murailles
D'où pleuvent la flamme et le fer, —
Puisqu'il sait qu'en ses destinées
Les nostres seront terminées.
Et qu'après lui notre discord
N'aura plus qui dompte sa rage, —
N'est-ce pas nous rendre au naufrage
Après nous avoir mis à bord ?

Un autre mérite de Malherbe, c'est d'exceller à conduire la période poétique. Grâce à l'inversion, dont toutefois il n'abuse pas, il tient l'esprit en suspens et l'imagination en éveil ; c'est un secret de poëte. Une seule strophe va nous donner dans leur ensemble et à leur plus haut degré toutes les qualités poétiques de Malherbe :

Apollon a portes ouvertes
Laisse indifféremment cueillir
Ces belles feuilles toujours vertes
Qui gardent les noms de vieillir ;
Maïs l'art d'en faire des couronnes
N'est pas sceu de toutes personnes,
Et trois ou quatre seulement,
Au nombre desquels on me range,
Savent donner une louange
Qui demeure éternellement.

Cette strophe nous offre en outre un des traits saillants de la physionomie morale du poète, sa confiance en son génie. Il ne doute pas que ses œuvres aillent à la postérité. Ailleurs il dit :

Ce que Malherbe écrit dure éternellement. (Sonnet à Louis XIII.)

La critique des contemporains ne l'inquiète pas, il la connaît et il la dédaigne : « Le mépris qu'elle aura fait de mon ouvrage, dit-il-, je le ferai de son jugement ». (Les Œuvres de messire François de Malherbe (1 vol. in-12, Troyes, 1635, p. 392).

La postérité n'a pas tout gardé de Malherbe ; mais elle n'a oublié ni les stances de consolation à du Perier, ni celles aux ombres de Damon, ni celles dont se compose la Prière pour le roi Henri le Grand allant en Limousin. Elle n'a pas oublié l'ode sur l'attentat de 1605 : « Que direz-vous, races futures, » qui a donné l'éveil au génie poétique de La Fontaine, et moins encore l'ode à Marie de Médicis sur les heureux succès de sa régence. Elle sait que « le premier en France » il a reproduit la majesté et le sublime des prophètes dans l'imitation du psaume CLXV, qui commence par ce vers :

N'espérons plus, mon âme, aux promesses du monde.

Surtout elle se souvient que, parvenu sans défaillance au terme de sa longue carrière, Malherbe écrivit l'ode à Louis XIII sur le siège de la Rochelle, qui est son chef-d'œuvre, et qui témoigne combien il était fondé à dire de lui-même :

Les puissantes faveurs dont Parnasse m'honore
Non loin de mon berceau commencèrent leur cours ;
Je les possédai jeune et les possède encore
A la fin de mes jours.

On ne dit rien de la prose de Malherbe, et l'on a grand tort ; car, par ses traductions du de Beneficiis de Sénèque et de la trente-troisième décade de Tite-Live, il a fort avancé le travail de Vaugelas, et par sa lettre à la princesse de Conti il a fait la moitié de la besogne dont on attribue tout l'honneur à Balzac.

Eugène Nicolas Géruzez (1799-1865), Histoire de la littérature française.

 


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