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SOCRATE - BIOGRAPHIE


 

SOCRATE

Socrate

 

Socrate,
célèbre philosophe grec, né à Athènes l'an 470 av. J.-C., fils d'un sculpteur nommé Sophronisque et d'une sage-femme nommée Phénarète, exerça d'abord la profession de sculpteur, mais la quitta de bonne heure pour se livrer aux sciences.
Il crut avoir reçu la mission spéciale de réformer ses compatriotes, et se vit bientôt entouré d'un grand nombre de jeunes gens qu'il formait par ses leçons.

Remplissant tous ses devoirs de citoyen, soit à la paix, soit à la guerre, il se distingua par son courage en plus d'une occasion, notamment à Tanagre, et à la bataille de Délium, où il sauva la vie à Xénophon et à Alcibiade ; il donna l'exemple de toutes les vertus, soit publiques, soit privées, et se signala par son.désintéressement, sa générosité, son égalité d'âme ; on sait que, dans son intérieur, sa femme Xantippe mit plus d'une fois sa patience à l'épreuve ; il mérita enfin d'être proclamé par l'oracle de Delphes le plus sage des hommes.
Néanmoins, il se fit par la hardiesse de ses censures de nombreux ennemis : dès l'année 424 av. J.-C., le poète Aristophane l'avait traduit sur la scène dans sa comédie des Nuées ; enfin trois de ses ennemis, Anytus, homme puissant et populaire, Melitus, poëte obscur, et Lycon, orateur politique, se réunirent contre lui et l'accusèrent de corrompre la jeunesse et d'introduire des divinités nouvelles. Il refusa de se défendre, et fut, malgré son innocence, condamné à boire la ciguë. Pendant qu'il était en prison, ses amis lui offrirent les moyens de s'évader, mais il repoussa leurs offres, ne voulant pas désobéir aux lois. Il subit la mort avec un courage et une résignation admirables, l'an 400 av. J.-C.

Socrate disait avoir un génie particulier qui le dirigeait dans sa conduite : on ne sait si c'était là une ruse employée pour donner plus de poids à ses conseils, ou si ce n'était pas plutôt une illusion qui lui faisait prendre pour une inspiration divine les aperçus rapides et sûrs de sa haute raison. Socrate marque dans l'histoire de la philosophie une époque nouvelle. Il détourna les philosophes des spéculations oiseuses ou trop élevées auxquelles ils s'étaient livrés jusqu'à lui, et les engagea à ne s'occuper que de l'homme et de la morale, répétant sans cesse cette maxime : Connais-toi loi-même ; il combattit les sophistes qui discouraient sur toutes choses, et prétendaient ne rien ignorer : il disait que, pour lui, tout ce qu'il savait c'est qu'il ne savait rien. Il créa la science de la morale, distingua les différentes sortes de vertus (prudence, tempérance, force, justice), recommanda la pratique du bien comme le plus sûr moyen d'arriver au bonheur ; il démontra par de nouveaux arguments l'existence d'un Dieu, d'une Providence et l'immortalité de l'âme.

Il employait dans ses entretiens une méthode d'interrogation connue sous le nom d'ironie socratique, qui lui servait tantôt à confondre ses adversaires en les conduisant de réponses en réponses à de ridicules absurdités, tantôt à instruire ses disciples en leur faisant découvrir par eux-mêmes des vérités qui étaient comme cachées dans leur esprit : il se disait en cela l'accoucheur des esprits, par allusion à la profession de sa mère. Du reste, il ne tenait point d'école proprement dite et ne recevait aucun salaire. Socrate compta parmi ses disciples Xénophon, qui se borna à reproduire fidèlement ses doctrines ; Platon, qui créa un système entier de philosophie; Antisthène, père des Cyniques ; Aristippe, qui prêcha une morale relâchée ; Phédon, Euclide, Criton et une foule d'autres.

Xénophon nous a conservé dans ses Memorabilia de précieux détails sur Socrate; Platon le met en scène dans tous ses dialogues, mais il lui prête le plus souvent ses propres idées. François Charpentier a donné la Vie de Socrate, Amsterdam, 1699.

Socrate

SOCRATE

PAR

VOLTAIRE

 

Le moule est-il cassé de ceux qui aimaient la vertu pour elle-même, un Confucius, un Pythagore, un Thalès, un Socrate ? Il y avait de leur temps des foules de dévots à leurs pagodes et à leurs divinités, des esprits frappés de la crainte de Cerbère et des Furies, qui couraient les initiations, les pèlerinages, les mystères, qui se ruinaient en offrandes de brebis noires. Tous les temps ont vu de ces malheureux dont parle Lucrèce (III, 51-54) :

Et quocumque tamen miseri venere, parentant,
Et nigras maclant pecudes, et Manibu’ divis
Inférias mittunt ; multoque in rebus acerbis
Acrius advertunt animos ad relligionem.

 

Les macérations étaient en usage ; les prêtres de Cybèle se faisaient châtrer pour garder la continence. D’où vient que, parmi tous ces martyrs de la superstition, l’antiquité ne compte pas un seul grand homme, un sage ? C’est que la crainte n’a jamais pu faire la vertu. Les grands hommes ont été les enthousiastes du bien moral. La sagesse était leur passion dominante ; ils étaient sages comme Alexandre était guerrier, comme Homère était poète, et Apelle peintre, par une force et une nature supérieure : et voilà peut-être tout ce qu’on doit entendre par le démon de Socrate.

Un jour deux citoyens d’Athènes, revenant de la chapelle de Mercure, aperçurent Socrate dans la place publique.
L’un dit à l’autre : « N’est-ce pas là ce scélérat qui dit qu’on peut être vertueux sans aller tous les jours offrir des moutons et des oies ?
— Oui, dit l’autre, c’est ce sage qui n’a point de religion ; c’est cet athée qui dit qu’il n’y a qu’un seul Dieu.
» Socrate approcha d’eux avec son air simple, son démon, et son ironie que Mme Dacier a si fort exaltée : « Mes amis, leur dit-il, un petit mot, je vous prie. Un homme qui prie la Divinité, qui l’adore, qui cherche à lui ressembler autant que le peut la faiblesse humaine, et qui fait tout le bien dont il est capable, comment nommeriez-vous un tel homme ? C’est une âme très religieuse, dirent-ils.
— Fort bien : on pourrait donc adorer l’Être suprême, et avoir à toute force de la religion ?
— D’accord, dirent les deux Athéniens.
— Mais croyez-vous, poursuivit Socrate, que quand le divin architecte du monde arrangea tous ces globes qui roulent sur vos têtes, quand il donna le mouvement et la vie à tant d’êtres différents, il se servit du bras d’Hercule, ou de la lyre d’Apollon, ou de la flûte de Pan ?
— Cela n’est pas probable, dirent-ils.
— Mais s’il n’est pas vraisemblable qu’il ait employé le secours d’autrui pour construire ce que nous voyons, il n’est pas croyable qu’il le conserve par d’autres que par lui-même. Si Neptune était le maître absolu de la mer, Junon de l’air, Éole des vents, Cérès des moissons, et que l’un voulût le calme quand l’autre voudrait du vent et de la pluie, vous sentez bien que l’ordre de la nature ne subsisterait pas tel qu’il est. Vous m’avouerez qu’il est nécessaire que tout dépende de celui qui a tout fait. Vous donnez quatre chevaux blancs au soleil, et deux chevaux noirs à la lune : mais ne vaut-il pas mieux que le jour et la nuit soient l’effet du mouvement imprimé aux astres par le maître des astres, que s’ils étaient produits par six chevaux ?
»
Les deux citoyens se regardèrent et ne répondirent rien. Enfin Socrate finit par leur prouver qu’on pouvait avoir des moissons sans donner de l’argent aux prêtres de Cérès, aller à la chasse sans offrir des petites statues d’argent à la chapelle de Diane, que Pomone ne donnait point des fruits, que Neptune ne donnait point des chevaux, et qu’il fallait remercier le souverain qui a tout fait.

Son discours était dans la plus exacte logique. Xénophon, son disciple, homme qui connaissait le monde, et qui depuis sacrifia au vent dans la retraite des dix mille, lira Socrate par la manche, et lui dit :

« Votre discours est admirable ; vous avez parlé bien mieux qu’un oracle vous êtes perdu ; l’un de ces honnêtes gens à qui vous parlez est un boucher qui vend des moutons et des oies pour les sacrifices, et l’autre un orfèvre qui gagne beaucoup à faire de petits dieux d’argent et de cuivre pour les femmes ; ils vont vous accuser d’être un impie qui voulez diminuer leur négoce ; ils déposeront contre vous auprès de Mélitus et d’Anitus vos ennemis, qui ont conjuré votre perte : gare la ciguë ! votre démon familier aurait bien dû vous avertir de ne pas dire à un boucher et à un orfèvre ce que vous ne deviez dire qu’à Platon et à Xénophon. »

Quelque temps après, les ennemis de Socrate le firent condamner par le conseil des cinq cents. Il eut deux cent vingt voix pour lui. Cela fait présumer qu’il y avait deux cent vingt philosophes dans ce tribunal ; mais cela fait voir que dans toute compagnie le nombre des philosophes est toujours le plus petit.

Socrate but donc la ciguë pour avoir parlé en faveur de l’unité de Dieu : et ensuite les Athéniens consacrèrent une chapelle à Socrate à celui qui s’était élevé contre les chapelles dédiées aux êtres inférieurs.

François-Marie Arouet, dit Voltaire (1694-1778), Le Dictionnaire philosophique ou La Raison par alphabet (1764).

 


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