D.R. BELAIR - RTMKB

 

 

DE L'ART DU DISCOURS

 

DICTIONNAIRE DE LINGUISTIQUE

 

( VERSIFICATION, MÉTRIQUE )

 

PAR

 

DIDIER BÉLAIR

- Voyez Rhétorique, Logique, Grammaire

 

Alexandrin
Adj. m. Vers français de douze syllabes. Les vers alexandrins sont aussi appelés vers héroïques.

Amphibraque
Terme de prosodie grecque et latine. Pied composé d'une longue entre deux brèves.

Amphimacre
Terme de prosodie grecque et latine. Sorte de pied formé d'une brève entre deux longues.

Anapeste
En poésie grecque et latine, pied composé de deux brèves et d'une longue.

Art poétique
Titre d'un poëme de Boileau où il expose les règles de la composition en vers. - Voyez L'Art Poétique.

L’Art poétique de Boileau par Voltaire.

Le savant presque universel, l’homme même de génie, qui joint la philosophie à l’imagination (Diderot), dit, dans son excellent article Encyclopédie, ces paroles remarquables.... « Si on en excepte ce Perrault et quelques autres, dont le versificateur Boileau n’était pas en état d’apprécier le mérite, etc. » (feuillet 636).

Ce philosophe rend avec raison justice à Claude Perrault, savant traducteur de Vitruve, homme utile en plus d’un genre, à qui l’on doit la belle façade du Louvre, et d’autres grands monuments ; mais il faut aussi rendre justice à Boileau. S’il n’avait été qu’un versificateur, il serait à peine connu. Il ne serait pas de ce petit nombre de grands hommes qui feront passer le siècle de Louis XIV à la postérité. Ses dernières Satires, ses belles Épîtres, et surtout son Art poétique, sont des chefs-d’oeuvre de raison autant que de poésie, sapere est principium et fons. L’art du versificateur est, à la vérité, d’une difficulté prodigieuse, surtout en notre langue, où les vers alexandrins marchent deux à deux, où il est rare d’éviter la monotonie, où il faut absolument rimer, où les rimes agréables et nobles sont en trop petit nombre, où un mot hors de sa place, une syllabe dure gâte une pensée heureuse. C’est danser sur la corde avec des entraves ; mais le plus grand succès dans cette partie de l’art n’est rien s’il est seul.

L’Art poétique de Boileau est admirable, parce qu’il dit toujours agréablement des choses vraies et utiles, parce qu’il donne toujours le précepte et l’exemple, parce qu’il est varié, parce que l’auteur, en ne manquant jamais à la pureté de la langue,

Sait d’une voix légère 
Passer du grave au doux, du plaisant au sévère.
 
(I, 75-76.)

Ce qui prouve son mérite chez tous les gens de goût, c’est qu’on sait ses vers par coeur ; et ce qui doit plaire aux philosophes, c’est qu’il a presque toujours raison.

Puisque nous avons parlé de la préférence qu’on peut donner quelquefois aux modernes sur les anciens, on oserait présumer ici que l’Art poétique de Boileau est supérieur à celui d’Horace. La méthode est certainement une beauté dans un poème didactique ; Horace n’en a point. Nous ne lui en faisons pas un reproche, puisque son poème est une épître familière aux Pisons, et non pas un ouvrage régulier comme les Géorgiques ; mais c’est un mérite de plus dans Boileau, mérite dont les philosophes doivent lui tenir compte.

L’Art poétique latin ne paraît pas, à beaucoup près, si travaillé que le français. Horace y parle presque toujours sur le ton libre et familier de ses autres épîtres. C’est une extrême justesse dans l’esprit, c’est un goût fin, ce sont des vers heureux et pleins de sel, mais souvent sans liaison, quelquefois destitués d’harmonie ; ce n’est pas l’élégance et la correction de Virgile. L’ouvrage est très bon, celui de Boileau paraît encore meilleur ; et si vous en exceptez les tragédies de Racine, qui ont le mérite supérieur de traiter les passions, et de surmonter toutes les difficultés du théâtre, l’Art poétique de Despréaux est sans contredit le poème qui fait le plus d’honneur à la langue française.

Il serait triste que les philosophes fussent les ennemis de la poésie. Il faut que la littérature soit comme la maison de Mécène.... est locus unicuique suus.

L’auteur des Lettres Persanes, si aisées à faire, et parmi lesquelles il y en a de très jolies, d’autres très hardies, d’autres médiocres, d’autres frivoles ; cet auteur, dis-je, très recommandable d’ailleurs, n’ayant jamais pu faire de vers, quoiqu’il eût de l’imagination et souvent du style, s'en dédommage en disant (Montesquieu, Lettres Persanes, CXXXVIII, dit. « Voici les lyriques que je méprise autant que j’estime les autres, et qui font de leur art une harmonieuse extravagance. ») que « l’on verse le mépris sur la poésie à pleines mains et que la poésie lyrique est une harmonieuse extravagance, etc. » Et c’est ainsi qu’on cherche souvent à rabaisser les talents auxquels on ne saurait atteindre. « Nous ne pouvons y parvenir, dit Montaigne (Montaigne, Essais, III, VII, dit : « Puisque nous ne la pouvons aveindre, vengeons-nous à en mesdire. » ) ; vengeons-nous-en par en médire. » Mais Montaigne, le devancier et le maître de Montesquieu en imagination et en philosophie, pensait sur la poésie bien différemment.

Si Montesquieu avait eu autant de justice que d’esprit, il aurait senti malgré lui que plusieurs de nos belles odes et de nos bons opéras valent infiniment mieux que les plaisanteries de Riga à Usbeck, imitées du Siamois de Dufresny, et que les détails de ce qui se passe dans le sérail d’Usbeck à Ispahan.

François-Marie Arouet, dit Voltaire (1694-1778), Le Dictionnaire philosophique ou La Raison par alphabet (1764).

Chorée
Terme de métrique ancienne. Pied composé d'une longue et d'une brève, dit aussi trochée.

Dichorée
Terme de prosodie grecque et latine. Pied d'un vers grec ou latin composé de deux chorées ou trochées.

Églogue Lat. ecloga
1 - Ouvrage de poésie pastorale, où l'on introduit des bergers qui conversent ensemble. Les églogues de Théocrite, de Virgile.

« Viendrai-je en une églogue, entouré de troupeaux,
Au milieu de Paris enfler mes chalumeaux,
Et, dans mon cabinet assis auprès des hêtres,
Faire dire aux échos des sottises champêtres ?
»

Nicolas Boileau-Despréaux, (1636-1711), Satire IX.

2 - Terme de philologie. Un recueil de pièces choisies.

Bien que, étymologiquement, églogue signifie pièce choisie, et idylle petit tableau, il n'y a aucune différence fondamentale entre les églogues et les idylles. Toutefois, si l'on veut accepter la légère distinction que l'usage semble avoir établie, l'églogue veut plus d'action et de mouvement : les églogues de Virgile. L'idylle ne peut contenir que des peintures, des sentiments, des comparaisons champêtres : Mme Deshoulières a fait de jolies idylles.

 

L'ÉGLOGUE

PAR

VOLTAIRE

Il semble qu’on ne doive rien ajouter (Questions sur l’Encyclopédie, cinquième partie, 1771.) à ce que M. le chevalier de Jaucourt et M. Marmontel ont dit de l’Églogue dans le Dictionnaire encyclopédique ; il faut, après les avoir lus, lire Théocrite et Virgile, et ne point faire d’églogues. Elles n’ont été jusqu’à présent parmi nous que des madrigaux amoureux qui auraient beaucoup mieux convenu aux filles d’honneur de la reine mère qu’à des bergers.

L’ingénieux Fontenelle (Discours sur la nature de l’églogue.), aussi galant que philosophe, qui n’aimait pas les anciens, donne le plus de ridicule qu’il peut au tendre Théocrite, le maître de Virgile ; il lui reproche une églogue qui est entièrement dans le goût rustique ; mais il ne tenait qu’à lui de donner de justes éloges à d’autres églogues qui respirent la passion la plus naïve, exprimée avec toute l’élégance et la molle douceur convenable aux sujets.

Il y en a de comparables à la belle ode de Sapho, traduite dans toutes les langues. Que ne nous donnait-il une idée de la Pharmaceutrée imitée par Virgile, et non égalée peut-être ! On ne pourrait pas en juger par ce morceau que je vais rapporter ; mais c’est une esquisse qui fera connaître la beauté du tableau à ceux dont le goût démêle la force de l’original dans la faiblesse même de la copie.

Reine des nuits, dis (*) quel fut mon amour
Comme en mon sein les frissons et la flamme
Se succédaient, me perdaient tour à tour ;
Quels doux transports égarèrent mon âme ;
Comment mes yeux cherchaient en vain le jour ;
Comme j’aimais, et sans songer à plaire !
Je ne pouvais ni parler ni me taire...
Reine des nuits, dis quel fut mon amour.
Mon amant vint. O moments délectables !
Il prit mes mains, tu le sais, tu le vis,
Tu fus témoin de ses serments coupables,
De ses baisers, de ceux que je rendis,
Des voluptés dont je fus enivrée.
Moments charmants, passez-vous sans retour ?
Daphnis trahit la foi qu’il m’a jurée.
Reine des cieux, dis quel fut mon amour.

(*) M. Firmin Didot, dans ses Poésies et Traductions, 1822, in-12, page 366, observe que « ceux qui ont traduit : Dis, astre des nuits, d’où naquit mon amour, se sont trompés, puisque c’est Simèthe qui raconte à la lune l’histoire de son amour. » M. Firmin Didot a mis : Vois quel fut mon amour.

Ce n’est là qu’un échantillon de ce Théocrite dont Fontenelle faisait si peu de cas. Les Anglais, qui nous ont donné des traductions en vers de tous les poètes anciens, en ont aussi une de Théocrite ; elle est de M. Fawkes : toutes les grâces de l’original s’y retrouvent. Il ne faut pas omettre qu’elle est en vers rimés, ainsi que les traductions anglaises de Virgile et d’Homère. Les vers blancs, dans tout ce qui n’est pas tragédie, ne sont, comme disait Pope (*), que le partage de ceux qui ne peuvent pas rimer.
(*) Voyez dans les Articles extraits de la Gazette littéraire (Mélanges, année 1764) celui du 2 mai ; et la dédicace de la tragédie d’Irène (tome II du Théâtre).

Je ne sais si, après avoir parlé des églogues qui enchantèrent la Grèce et Rome, il sera bien convenable de citer une églogue allemande, et surtout une églogue dont l’amour n’est pas le principal sujet : elle fut écrite dans une ville qui venait de passer sous une domination étrangère.

ÉGLOGUE ALLEMANDE

PERSONNAGES : HERNAND, DERNIN.

DERNIN.

Consolons-nous, Hernand, l’astre de la nature
Va de nos aquilons tempérer la froidure ;
Le zéphyr à nos champs promet quelques beaux jours ;
Nous chanterons aussi nos vins et nos amours.
Nous n’égalerons point la Grèce et l’Ausonie ;
Nous sommes sans printemps, sans fleurs et sans génie ;
Nos voix n’ont jamais eu ces sons harmonieux
Qu’aux pasteurs de Sicile ont accordés les dieux.
Ne pourrons-nous jamais, en lisant leurs ouvrages,
Surmonter l’âpreté de nos climats sauvages ?
Vers ces coteaux du Rhin que nos soins assidus
Ont forcés à s’orner des trésors de Bacchus,
Forçons le dieu des vers, exilé de la Grèce,
A venir de nos chants adoucir la rudesse.
Nous connaissons l’amour, nous connaîtrons les vers.
Orphée était de Thrace ; il brava les hivers ;
Il aimait ; c’est assez : Vénus monta sa lyre.
Il polit son pays ; il eut un doux empire
Sur des coeurs étonnés de céder à ses lois.

HERNAND.

On dit qu’il amollit les tigres de ses bois.
Humaniserons-nous les loups qui nous déchirent ?
Depuis qu’aux étrangers les destins nous soumirent.
Depuis que l’esclavage affaissa nos esprits,
Nos chants furent changés en de lugubres cris.
D’un commis odieux l’insolence affamée
Vient ravir la moisson que nous avons semée,
Vient décimer nos fruits, notre lait, nos troupeaux :
C’est pour lui que ma main couronna ces coteaux
Des pampres consolants de l’amant d’Ariane.
Si nous osons nous plaindre, un traitant nous condamne ;
Nous craignons de gémir, nous dévorons nos pleurs.
Ah ! dans la pauvreté, dans l’excès des douleurs,
Le moyen d’imiter Théocrite et Virgile !
Il faut pour un coeur tendre un esprit plus tranquille.
Le rossignol, tremblant dans son obscur séjour,
N’élève point sa voix sous le bec du vautour.
Fuyons, mon cher Dernin, ces malheureuses rives.
Portons nos chalumeaux et nos lyres plaintives
Aux bords de l’Adigo, loin des yeux des tyrans.
Et le reste (*).

(*) Après ces mots, dans les Questions sur l’Encyclopédie, on lisait :
« Voici une chose plus extraordinaire, une églogue française sans madrigaux et sans galanterie.
« Églogue à M. de Saint-Lambert, auteur du poème des Quatre Saisons. »
Puis, sous ce titre, Voltaire donnait son Épître à Saint-Lambert, imprimée dans les Pièces en vers.

François-Marie Arouet, dit Voltaire (1694-1778), Le Dictionnaire philosophique ou La Raison par alphabet (1764).

Élégiambique
. adj. Terme de métrique ancienne. Vers élégiambique, vers composé du second hémistiche de l'élégiaque et d'un ïambique dimètre.

Élégiaque Lat. Elegiacus
Qui appartient à l'élégie. Vers élégiaques (elegi)

Élégie Lat. elegia
Chez les Grecs et les Latins, pièce de vers dont le caractère essentiel fut d'être composée d'hexamètres et de pentamètres.
Aujourd'hui, petit poëme dont le sujet est triste ou tendre. Composer une élégie.

Du grec élégos complainte, dérivé, dit-on, d'hélas, signe de douleur, et de légein, dire, parce qu'originairement l'élégie était destinée aux gémissements et aux larmes.

« La plaintive élégie en longs habits de deuil
Sait les cheveux épars gémir sur un cercueil ;
Elle plaint des amants la joie et la tristesse,
Flatte, menace, irrite, apaise une maîtresse ;
Mais, pour bien expliquer ses caprices heureux,
C'est peu d'être poëte, il faut être amoureux
»

Nicolas Boileau-Despréaux, (1636-1711), L'Art poétique, II.

« Mais la tendre élégie et sa grâce touchante
M'ont séduit ; l'élégie à la voix gémissante,
Au ris mêlé de pleurs, aux longs cheveux épars,
Belle, levant au ciel ses humides regards
»

André Chénier (1762-1794), Élégies (1819), 32.

Épigramme Terme grec signifiant inscription, petite pièce en vers et provenant de deux mots se traduisant par : sur et écrire.
1 - Anciennement, petite pièce de vers sur toute sorte de sujets.
« L'épigramme, pour les anciens, était une petite pièce qui ne passait guère huit ou dix vers, d'ordinaire en vers hexamètres et pentamètres ; c'était une inscription soit tumulaire, soit triomphale, soit votive ou descriptive ; une peinture pastorale trop courte pour faire une idylle, une déclaration ou une plainte amoureuse trop peu développée pour faire une élégie ; la raillerie y a aussi sa part, mais une part restreinte, tandis que, dans les épigrammes modernes, elle est presque tout, et que c'est toujours le trait et la pointe finale à quoi l'on vise », Charles-Augustin Sainte-Beuve (1804-1869), Constitutionnel, 4 janv. 1864.

2 - Courte pièce de vers qui se termine par un mot ou par un trait piquant. La pointe d'une épigramme.

« Alcandre, c'est ta passion ;
Tu veux une longue épigramme,
Bien qu'elle soit digne de blâme,
Comme une longue inscription ;
D'un seul coup elle fait sa brèche,
Ainsi que le trait d'un archer ;
As-tu jamais vu décocher
Une pique au lieu d'une flèche ?
»

Jean Ogier de Gombault (1576-1666).

« L'épigramme, plus libre en son tour plus borné,
N'est souvent qu'un bon mot de deux rimes orné
»,

Nicolas Boileau-Despréaux, (1636-1711), L'art poétique (1674), II.

 

ÉPIGRAMME

PAR

VOLTAIRE

Ce mot veut dire proprement inscription, ainsi une épigramme devait être courte. (Questions sur l’Encyclopédie, cinquième partie, 1771.) Celles de l’Anthologie grecque sont pour la plupart fines et gracieuses ; elles n’ont rien des images grossières que Catulle et Martial ont prodiguées, et que Marot et d’autres ont imitées. En voici quelques-unes traduites avec une brièveté dont on a souvent reproché a la langue française d’être privée. L’auteur est inconnu (C’est Voltaire lui-même. ).

SUR LES SACRIFICES A HERCULE.

Un peu de miel, un peu de lait,
Rendent Mercure favorable ;
Hercule est bien plus cher, il est bien moins traitable ;
Sans deux agneaux par jour il n’est point satisfait.
On dit qu’à mes moutons ce dieu sera propice.
Qu’il soit béni mais entre nous,
C’est un peu trop en sacrifice :
Qu’importe qui les mange, ou d’Hercule ou des loups ?

(Cette première épigramme et la quatrième (sur Niobé) ont été l’objet des remarques de M. Boissonade, dans les Notices et Extraits des manuscrits de la Bibliothèque du roi, tome X, page 251, à la note.)

SUR LAÏS QUI REMIT SON MIROIR DANS LE TEMPLE DE VÉNUS.

Je le donne à Vénus puisqu’elle est toujours belle ;
Il redouble trop mes ennuis :
Je ne saurais me voir dans ce miroir fidèle
Ni telle que j’étais, ni telle que je suis.

SUR UNE STATUE DE VÉNUS.

Oui, je me montrai toute nue
Au dieu Mars, au bel Adonis,
A Vulcain même, et j’en rougis ;
Mais Praxitèle, où m’a-t-il vue ?

SUR UNE STATUE DE NIOBÉ.

Le fatal courroux des dieux
Changea cette femme en pierre ;
Le sculpteur a fait bien mieux :
Il a fait tout le contraire.

SUR DES FLEURS, A UNE FILLE GRECQUE QUI PASSAIT POUR ÊTRE FIÈRE.

Je sais bien que ces fleurs nouvelles
Sont loin d’égaler vos appas ;
Ne vous enorgueillissez pas :
Le temps vous fanera comme elles.

SUR LÉANDRE, QUI NAGEAIT VERS LA TOUR D’HÉRO PENDANT UNE TEMPÊTE.

Épigramme imitée depuis par Martial. (Spect. XXV ou XXVIII, et livre XIV, 179 ou 181. Chardon de La Rochette (Mélanges, I, 287) remarque que l’on chercherait vainement dans l’Anthologie l’original des vers de Martial, qui peut cependant les avoir traduits ou imités d’une pièce grecque qui ne nous sera pas parvenue.)

Léandre, conduit par l’Amour,
En nageant, disait aux orages :
Laissez-moi gagner les rivages,
Ne me noyez qu’à mon retour.

A travers la faiblesse de la traduction, il est aisé d’entrevoir la délicatesse et les grâces piquantes de ces épigrammes. Qu’elles sont différentes des grossières images trop souvent peintes dans Catulle et dans Martial !

At nunc pro cervo mentula supposita est.

(Martial, III, 91.)
Teque puta cunnos, uxor, habere duos.
(Martial, XI, 44. )

Marot en a fait quelques-unes, où l’on retrouve toute l’aménité de la Grèce.

Plus ne suis ce que j’ai été
Et ne le saurois jamais être ;
Mon beau printemps et mon été
Ont fait le saut par la fenêtre.
Amour, tu as été mon maître,
Je t’ai servi sur tous les dieux.
O si je pouvois deux fois naître,
Comment je te servirois mieux !

Sans le printemps et l’été qui font le saut par la fenêtre, cette épigramme serait digne de Callimaque.

Je n’oserais en dire autant de ce rondeau, que tant de gens de lettres ont si souvent répété :

Au bon vieux temps un train d’amour régnoit
Qui sans grand art et dons se démenoit,
Si qu’un bouquet donné d’amour profonde
C’était donner toute la terre ronde,
Car seulement au coeur on se prenoit ;
Et si par cas à jouir on venoit,
Savez-vous bien comme on s’entretenoit ?
Vingt ans, trente ans ; cela duroit un monde
Au bon vieux temps.
Or est perdu ce qu’amour ordonnoit (I),
Rien que pleurs feints, rien que changes on n’oit.
Qui voudra donc qu’à aimer je me fonde,
Il faut premier que l’amour on refonde,
Et qu’on la mène ainsi qu’on la menoit
Au bon vieux temps (II).

(I) Il est évident qu’alors on prononçait tous les oi rudement, prenoit, demenoit, ordonnoit, et non pas ordonnait, démenait, prenait, puisque ces terminaisons rimaient avec oit. Il est évident encore qu’on se permettait les bâillements, les hiatus. (Voltaire.)
(II) Marot, rondeau LXIV.

Je dirais d’abord que peut-être ces rondeaux, dont le mérite est de répéter à la fin de deux couplets les mots qui commencent ce petit poème, sont une invention gothique et puérile, et que les Grecs et les Romains n’ont jamais avili la dignité de leurs langues harmonieuses par ces niaiseries difficiles.

Ensuite je demanderais ce que c’est qu’un train d’amour qui règne, un train qui se démène sans dons. Je pourrais demander si venir à jouir par cas sont des expressions délicates et agréables ; si s’entretenir et se fonder à aimer ne tiennent pas un peu de la barbarie du temps, que Marot adoucit dans quelques-unes de ses petites poésies.

Je penserais que refondre l’amour est une image bien peu convenable ; que si on le refond on ne le mène pas ; et je dirais enfin que les femmes pouvaient répliquer à Marot : Que ne le refonds-tu toi-même ? quel gré te saura-t-on d’un amour tendre et constant, quand il n’y aura point d’autre amour ?

Le mérite de ce petit ouvrage semble consister dans une facilité naïve ; mais que de naïvetés dégoûtantes dans presque tous les ouvrages de la cour de François Ier !

Ton vieux couteau, Pierre Martel rouillé,
Semble ton vit jà retrait et mouillé ;
Et le fourreau tant laid où tu l’engaines,
C’est que toujours as aimé vieilles gaines.
Quant à la corde à quoi il est lié,
C’est qu’attaché seras et marié.
Au manche aussi de corne connoît-on
Que tu seras cornu comme un mouton.
Voilà le sens, voilà la prophétie
De ton couteau, dont je te remercie.

(Marot, épigramme 209.)

Est-ce un courtisan qui est l’auteur d’une telle épigramme ? est-ce un matelot ivre dans un cabaret ? Marot, malheureusement, n’en a que trop fait dans ce genre.

Les épigrammes qui ne roulent que sur des débauches de moines et sur des obscénités sont méprisées des honnêtes gens ; elles ne sont goûtées que par une jeunesse effrénée, à qui le sujet plaît beaucoup plus que le style. Changez l’objet, mettez d’autres acteurs à la place, alors ce qui vous amusait paraîtra dans toute sa laideur.

François-Marie Arouet, dit Voltaire (1694-1778), Le Dictionnaire philosophique ou La Raison par alphabet (1764).

Épitrite
1 - .adj. Dans l'arithmétique des anciens, nombre épitrite, nombre composé d'un autre nombre, plus le tiers de celui-ci. 4 est épitrite relativement à 3.
2 - .s. m. Terme de prosodie. L'épitrite, pied grec ou latin composé de quatre syllabes, dont trois longues et une brève.

Gnomique
.adj. 1° Qui contient des maximes, en parlant de poëmes, de vers.

Poésie gnomique, celle qui s'exerce à composer des maximes ou des sentences, c'est-à-dire à réduire en forme poétique les principes et les devoirs de la vie. Les plus célèbres poëtes gnomiques chez les anciens sont Théognis et Phocylide.
Les gnomiques, les plus anciens philosophes grecs auteurs de sentences.

Hémistiche s. m. Lat. hemistichium, du grec hémi, et, ligne, rangée, du grec, ficher, piquer.

1 - La moitié d'un vers alexandrin. Le premier hémistiche, le second hémistiche.

« Que toujours, dans vos vers, le sens coupant les mots
Suspende l'hémistiche, en marque le repos
»,

Nicolas Boileau-Despréaux, (1636-1711), L'art poétique (1674).

2 - Se dit aussi de la moitié d'un vers de dix syllabes, quand il est coupé en deux parties de cinq syllabes chacune.

La syllabe accentuée, dite aussi césure, de la première partie d'un alexandrin ou d'un décasyllabe. Dans le vers alexandrin, l'hémistiche est à la sixième syllabe ; dans le vers de dix syllabes, il est à la quatrième. Les autres vers n'ont pas d'hémistiche.

3 - Se dit aussi quelquefois, mais inexactement, pour des parties de vers qui ne sont pas portions de vers déterminées par l'hémistiche.

« À la face des dieux est ce qu'on appelle une cheville ; il ne s'agit point ici de dieux et d'autels ; ces malheureux hémistiches qui ne disent rien parce qu'ils semblent en trop dire, n'ont été que trop souvent imités », François-Marie Arouet, dit Voltaire (1694-1778), Commentaires sur Corneille, remarques sur Othon (1665), I, 1.

Figuré
« En tout, ce discours est fait comme les tragédies modernes, avec des hémistiches ; et jamais plus belle occasion ne fut plus complétement manquée », Gabriel Honoré de Riquetti, comte de Mirabeau (1749-1791), Collection.

L'hémistiche est proprement un demi-vers : la césure est une coupure faite dans un vers pour en faciliter la prononciation et en augmenter la cadence. Dans les vers bien faits, la césure coïncide avec l'hémistiche ; c'est pourquoi des gens confondent ces deux idées. Mais, dans un vers mal fait comme dans celui-ci des Plaideurs de Racine : Ma foi, j'étais un franc portier de comédie, il est facile de voir que les césures naturelles sont : Ma foi, j'étais - un franc portier de comédie, tandis que les hémistiches sont : Ma foi, j'étais un franc - portier de comédie. Il y a en outre des césures qui ne coïncident pas avec l'hémistiche ; bien placées, elles donnent de la variété, de la force, de l'expression aux vers ; c'est de celles-là que parle Voltaire, Dict. philos. Hémistiche : Plusieurs dictionnaires disent que l'hémistiche est la même chose que la césure ; mais il y a une grande différence ; l'hémistiche est toujours à la moitié du vers ; la césure, qui rompt les vers, est partout où elle coupe la phrase.

HÉMISTICHE

PAR

VOLTAIRE

mmoitié de vers, demi-vers, repos au milieu du vers. Cet article, qui paraît d’abord une minutie, demande pourtant toute l’attention de quiconque veut s’instruire. Ce repos à la moitié d’un vers n’est proprement le partage que des vers alexandrins. La nécessité de couper toujours ces vers en deux parties égales, et la nécessité non moins forte d’éviter la monotonie, d’observer ce repos et de le cacher, sont des chaînes qui rendent l’art d’autant plus précieux qu’il est plus difficile.

Voici des vers techniques qu’on propose (quelque faibles qu’ils soient) pour montrer par quelle méthode on doit rompre cette monotonie que la loi de l’hémistiche semble entraîner avec elle :

Observez l’hémistiche, et redoutez l’ennui
Qu’un repos uniforme attache auprès de lui.
Que votre phrase heureuse, et clairement rendue,
Soit tantôt terminée, et tantôt suspendue ;
C’est le secret de l’art. Imitez ces accents
Dont l’aisé Jéliotte avait charmé nos sens.
Toujours harmonieux, et libre sans licence,
Il n’appesantit point ses sons et sa cadence.
Sallé, dont Terpsichore avait conduit les pas,
Fit sentir la mesure, et ne la marqua pas.

Ceux qui n’ont point d’oreille n’ont qu’à consulter seulement les points et les virgules de ces vers ; ils verront qu’étant toujours partagés en deux parties égales, chacune de six syllabes, cependant la cadence y est toujours variée ; la phrase y est contenue ou dans un demi-vers, ou dans un vers entier, ou dans deux. On peut même ne compléter le sens qu’au bout de six vers ou de huit ; et c’est ce mélange qui produit une harmonie dont on est frappé, et dont peu de lecteurs voient la cause.

Plusieurs dictionnaires disent que l’hémistiche est la même chose que la césure, mais il y a une grande différence. L’hémistiche est toujours à la moitié du vers ; la césure qui rompt le vers est partout où elle coupe la phrase.

Tiens, le voilà, marchons, il est à nous, viens, frappe.

Presque chaque mot est une césure dans ce vers.

Hélas ! quel est le prix des vertus ? la souffrance.

La césure est ici à la neuvième syllabe.

Dans les vers de cinq pieds ou de dix syllabes, il n’y a point d’hémistiche, quoi qu’en disent tant de dictionnaires ; il n’y a que des césures : on ne peut couper ces vers en deux parties égales de deux pieds et demi.

Ainsi partagés, — boiteux et malfais,
Ces vers languissants — ne plairaient jamais.

On en voulut faire autrefois de cette espèce, dans le temps qu’on cherchait l’harmonie, qu’on n’a que très difficilement trouvée. On prétendait imiter les vers pentamètres latins, les seuls qui ont en effet naturellement cet hémistiche : mais on ne songeait pas que les vers pentamètres étaient variés par les spondées et par les dactyles ; que leurs hémistiches pouvaient contenir ou cinq, ou six, ou sept syllabes. Mais ce genre de vers français, au contraire, ne pouvant jamais avoir que des hémistiches de cinq syllabes égales, et ces deux mesures étant trop courtes et trop rapprochées, il en résultait nécessairement cette uniformité ennuyeuse qu’on ne peut rompre comme dans les vers alexandrins. De plus, le vers pentamètre latin, venant après un hexamètre, produisait une variété qui nous manque.

Ces vers de cinq pieds à deux hémistiches égaux pourraient se souffrir dans des chansons ; ce fut pour la musique que Sapho les inventa chez les Grecs, et qu’Horace les imita quelquefois, lorsque le chant était joint à la poésie, selon sa première institution. On pourrait parmi nous introduire dans le chant cette mesure qui approche de la saphique :

L’Amour est un dieu — que la terre adore ;
Il fait nos tourments ; — il sait les guérir :
Dans un doux repos — heureux qui l’ignore
Plus heureux cent fois — qui peut le servir.

Mais ces vers ne pourraient être tolérés dans des ouvrages de longue haleine, à cause de la cadence uniforme. Les vers de dix syllabes ordinaires sont d’une autre mesure ; la césure sans hémistiche est presque toujours à la fin du second pied ; de sorte que le vers est souvent en deux mesures, l’une de quatre, l’autre de six syllabes. Mais on lui donne aussi souvent une autre place, tant la variété est nécessaire.

Languissant, faible, et courbé sous les maux,
J’ai consumé mes jours dans les travaux.
Quel fut le prix de tant de soins ? l’envie ;
Son souffle impur empoisonna ma vie.

Au premier vers, la césure est après le mot faible ; au second, après jours ; au troisième elle est encore plus loin, après soins ; au quatrième elle est après impur.

Dans les vers de huit syllabes, il n’y a ni hémistiche ni césure :

Loin de nous ce discours vulgaire,
Que la nature dégénère,
Que tout passe et que tout finit.
La nature est inépuisable ;
Et le travail infatigable
Est un dieu qui la rajeunit

(Ces vers sont les derniers d’une ode que Voltaire composa en 1746 ; mais Voltaire, ici, ne se cite pas plus exactement que de coutume.)

Au premier vers, s’il y avait une césure, elle serait à la sixième syllabe. Au troisième, elle serait à la troisième syllabe, passe, ou plutôt à la quatrième se, qui est confondue avec la troisième pas ; mais en effet il n’y a point là de césure. L’harmonie des vers de cette mesure consiste dans le choix heureux des mots et dans les rimes croisées ; faible mérite sans les pensées et les images.

Les Grecs et les Latins n’avaient point d’hémistiches dans leurs vers hexamètres. Les Italiens n’en ont dans aucune de leurs poésies :

Le donne, i cavalier, l’arme, gli amori,
Le cortesie, l’audaci imprese io canto
Che furo al tempo che passaro i Mori
D’Africa il mare, e in Francia nocquer tanto
, etc.

(Ariosto, cant. I, st. i. )

Ces vers sont comptés d’onze syllabes, et le génie de la langue italienne l’exige. S’il y avait un hémistiche, il faudrait qu’il tombât au deuxième pied et trois quarts.

La poésie anglaise est dans le même cas. Les grands vers anglais sont de dix syllabes ; ils n’ont point d’hémistiches, mais ils ont des césures marquées :

At Tropington — not far from Cambridge, stood
A cross, a pleasing stream — a bridge of wood,
Near it a mill - in low and plashy ground,
Where corn for all the neigbbouring parts — was found

Les césures différentes de ces vers sont ici désignées par les tirets.

Au reste, il est inutile de dire que ces vers sont le commencement de l’ancien conte italien du Berceau, traité depuis par La Fontaine. Mais ce qui est utile pour les amateurs, c’est de savoir que non seulement les Anglais et les Italiens sont affranchis de la gêne de l’hémistiche, mais encore qu’ils se permettent tous les hiatus qui choquent nos oreilles ; et qu’à ces libertés ils ajoutent celle d’allonger et d’accourcir les mots selon le besoin, d’en changer la terminaison, de leur ôter des lettres ; qu’enfin dans leurs pièces dramatiques et dans quelques poèmes, ils ont secoué le joug de la rime : de sorte qu’il est plus aisé de faire cent vers Italiens et anglais passables que dix français, à génie égal.

Les vers allemands ont un hémistiche, les espagnols n’en ont point. Tel est le génie différent des langues, dépendant en grande partie de celui des nations. Ce génie, qui consiste dans la construction des phrases, dans les termes plus ou moins longs, dans la facilité des inversions, dans les verbes auxiliaires, dans le plus ou moins d’articles, dans le mélange plus ou moins heureux des voyelles et des consonnes ; ce génie, dis-je, détermine toutes les différences qui se trouvent dans la poésie de toutes les nations. L’hémistiche tient évidemment à ce génie des langues.

C’est bien peu de chose qu’un hémistiche. Ce mot semblait à peine mériter un article, cependant on a été forcé de s’y arrêter un peu. Rien n’est à mépriser dans les arts ; les moindres règles sont quelquefois d’un très grand détail. Cette observation sert à justifier l’immensité de ce Dictionnaire, et doit inspirer de la reconnaissance, par les peines prodigieuses de ceux qui ont entrepris un ouvrage, lequel doit rejeter, à la vérité, toute déclamation, tout paradoxe, toute opinion hasardée, mais qui exige que tout soit approfondi.

François-Marie Arouet, dit Voltaire (1694-1778).

Hexamètre
. adj. Terme de versification grecque et latine. Qui a six pieds.

Ïambe
s. m. Terme de versification grecque et de versification latine. Pied dont la première syllabe est brève et la seconde longue. Ce vers n'est composé que d'ïambes.

Ïambélégiaque
. adj. Terme de métrique ancienne. Vers ïambélégiaque, vers qui est le renversement du vers élégiambique ; il est composé d'un ïambique dimètre et du second hémistiche de l'élégiaque.

Miltonien(-ienne)
. adj. Qui a le cachet de Milton, qui est dans la manière de ce grand poëte anglais. Un vers miltonien.

Molosse
. s. m. Terme de métrique ancienne. Pied composé de trois longues.

Molossique
. adj. m. Se dit d'un vers grec ou latin dont tous les pieds sont des molosses.

Monorimes
Un des plus curieux tours de force en monorimes, employant les cinq voyelles dans leur plus rare situation, a été fait par l'abbé de Latteignant ; on le chantait jadis sur l'air : « En quatre mots je vais vous dire ça. »

A

Je hais les dés, les cartes, le trictrac ;
Je ne bois jamais de scubac
Ni de punch, ni de rack.
Par peur de la moindre claque,
Je fuis sitôt qu'on m'attaque
Plus vite qu'un brac.
Je ne vais pas courtiser Bergerac ;
Et pour grossir mon sac
Je ne fais nul micmac.
Je n'ai d'horloge et d'almanach
Que mon seul estomac.

E

Je suis ravi du bon vieillard Issec.
Son langage est un vrai sorbec.
Malgré son vilain bec
J'irais le voir à la Mecque
Et rendre à ce vrai Sénèque
Un salamalec.
Près de lui j'aime autant un hareng pec
Blême du pain tout sec,
Que perdrix et vin grec.
O mort, si tu le fais échec,
Viens m'enlever avec.

I

Je suis charmé, quand je suis en pic-nic.
On est libre ; c'est là le hic,
En payant ric à ric.
Je fais quelques vers lyriques,
Mais jamais de satiriques ;
Ce n'est pas là mon tic.
Je crains bien moins la langue d'un aspic,
Les yeux d'un basilic,
Que le blâme public.
Je ne fais nul honteux trafic ;
Je suis dans mon district

O

Je ne voudrais, pour l'or du monde en bloc,
Le sort m'eût-il remis au soc,
D'aucun bien être escroc.
D'un ami rien ne me choque ;
S'il me raille, je m'en moque,
Sans livrer le choc.
Et j'aime autant un forban de Maroc
Que le grand monsieur Roch,
Tant il a l'air d'un croc ;
Contre un turban ferais-je troc ?
Non, plutôt contre un froc

U

Je hais les eaux de Forge et Balaruc.
Je ne porte point chez Colduc
D'ordonnance d'Astruc.
Je ne veux, sous ma perruque,
Porter cautère à la nuque,
Dussé-je être duc.
Car de son corps qui fait un aqueduc
Devient bientôt caduc,
Fût-il un gros heiduc.
Mais le vin est, si j'en crois Luc,
De tous le meilleur suc.

On a fait aussi sur ces mêmes rimes isolées cinq adages que voici :

Le thésauriseur cherche le sac.
Le promeneur cherche le sec.
Le biographe cherche le sic.
Le laboureur cherche le soc.
Le gourmand cherche le suc.

Palimbacchique Du grec, renversé, et bacchique.
. adj. Terme de métrique ancienne. Se dit du vers bacchique renversé (deux longues et une brève).

Pied
Terme de versification ancienne. Un pied, certaine disposition de longues et de brèves.
Terme de versification française. Un pied, deux syllabes ; ainsi notre alexandrin qui a douze syllabes, est un vers de six pieds, et le vers de sept syllabes est un vers de trois pieds et demi.

Procéleumastique
. adj. Terme de métrique ancienne. Se dit d'un pied composé de quatre brèves, comme animula (accents brefs). Vers composé de trois procéleusmatiques suivis d'un tribraque, par exemple : Animula miserula properiter abiit.

Rhopalique Du grec, massue, parce que la massue grossit depuis le petit bout jusqu'au bout opposé.
. adj. Vers rhopalique, vers grec ou latin, formé d'une suite de mots dont chacun a une syllabe de plus que le précédent : le premier est toujours un monosyllabe.

Période rhopalique, celle où les incises des membres de la période deviennent de plus en plus longues, ou de plus en plus courtes, comme fait une massue.

En voici une où le second membre est divisé en trois incises croissantes : Il a été affermi dans son pouvoir par une force étrangère et qui n'était pas de lui ; - par une force qui appuie la faiblesse (qui arrête les chutes de ceux qui se précipitent), - qui n'a que faire des bonnes maximes pour conduire les bons succès, Honoré de Balzac, (1799-1850), dans Jullien.

Rime Du germanique ou celtique rîm.
Uniformité de son dans la terminaison de deux ou de plusieurs mots.

Rime pleine, ou, plus ordinairement, rime riche, celle où non seulement le son, mais l'articulation est la même, comme vertu et abbattu, étude et solitude.
Rime suffisante, celle où le même son est suivi de la même articulation, comme plaisir et saphir, timide et rapide.
Rime pauvre, celle qui n'est que dans le son, et non dans l'articulation, comme vertu et vaincu, jardin et destin.
Fausse rime, celle qui n'est pas juste pour l'oreille, quoique admise par la coutume, comme vertus et Brutus.
Rime féminine, rime qui se termine par un e muet.
Rime masculine, celle qui ne se termine pas par un e muet.

Rimes croisées, rimes masculines et féminines qui se succèdent alternativement.
Rime parlante, s'est dit de vers qui sur une même rime font un sens complet, comme dans ces vers : Bon génie, On envie Ton industrie, Merc. Galant, sept. 1682.
Rimes plates, rimes qui se suivent deux à deux, comme le Lutrin. Les poëmes d'aventures, dans le moyen âge, sont en vers de huit syllabes à rimes plates, à la différence des chansons de geste qui sont par couplets monorimes plus ou moins longs.
Rimes mêlées, celles qui se succèdent sans aucun ordre, en observant seulement de faire alterner les masculines et les féminines.
Rimes normandes, rimes dans lesquelles on fait rimer er fermé avec er ouvert, comme vanter et Jupiter, ainsi dites parce que les normands donnent à er ouvert le son de er fermé.
Rimes annexées, concaténées, enchaînées, fraternisées, suite de vers dont chacun commençait par le dernier mot ou par la dernière syllabe du vers précédent.
Rimes batelées, celles d'une pièce de vers dans laquelle on répétait, à la fin du premier hémistiche de chaque vers, le dernier son du vers précédent.
Rime couronnée, celle qui se répétait deux fois à la fin de chaque vers.

———

La rime n’aurait-elle pas été inventée pour aider la mémoire, et pour régler en même temps le chant et la danse ? le retour des mêmes sons servait à faire souvenir promptement des mots intermédiaires entre les deux rimes. Ces rimes avertissaient à la fois le chanteur et le danseur ; elles indiquaient la mesure. Ainsi les vers furent dans tous les pays le langage des dieux.

On peut donc mettre au rang des opinions probables, c’est-à-dire incertaines, que la rime fut d’abord une cérémonie religieuse ; car après tout, il se pourrait qu’on eût fait des vers et des chansons pour sa maîtresse avant d’en faire pour ses dieux ; et les amants emportés vous diront que cela revient au même.

Un rabbin qui me montrait l’hébreu, lequel je n’ai jamais pu apprendre, me citait un jour plusieurs psaumes rimés que nous avions, disait-il, traduits pitoyablement. Je me souviens de deux vers que voici :

Hibbitu clare vena haru
Uph nehem al jech pharu (Psaume, XXXIII, 6.)

Si on le regarde on est illuminé,
Et leurs faces ne sont point confuses

Il n’y a guère de rime plus riche que celle de ces deux vers ; cela posé, je raisonne ainsi :

Les Juifs, qui parlaient un jargon moitié phénicien, moitié syriaque, rimaient ; donc les grandes nations dans lesquelles ils étaient enclavés devaient rimer aussi. Il est à croire que les Juifs, qui, comme nous l’avons dit si souvent, prirent tout de leurs voisins, en prirent aussi la rime.

Tous les Orientaux riment : ils sont fidèles à leurs usages ; ils s’habillent comme ils s’habillaient il y a cinq ou six mille ans ; donc il est à croire qu’ils riment depuis ce temps-là.

Quelques doctes prétendent que les Grecs commencèrent par rimer, soit pour leurs dieux, soit pour leurs héros, soit pour leurs amies ; mais qu’ensuite ayant mieux senti l’harmonie de leur langue, ayant mieux connu la prosodie, ayant raffiné sur la mélodie, ils firent ces beaux vers non rimés, que les Latins imitèrent et surpassèrent bien souvent.

Pour nous autres descendants des Goths, des Vandales, des Huns, des Welches, des Francs, des Bourguignons ; nous barbares, qui ne pouvons avoir la mélodie grecque et latine, nous sommes obligés de rimer. Les vers blancs chez tous les peuples modernes ne sont que de la prose sans aucune mesure ; elle n’est distinguée de la prose ordinaire que par un certain nombre de syllabes égales et monotones, qu’on est convenu d’appeler vers.

Nous avons dit ailleurs que ceux qui avaient écrit en vers blancs ne l’avaient fait que parce qu’ils ne savaient pas rimer ; les vers blancs sont nés de l’impuissance de vaincre la difficulté, et de l’envie d’avoir plus tôt fait.

Nous avons remarqué que l’Arioste a fait quarante-huit mille rimes de suite dans son Orlando, sans ennuyer personne. Nous avons observé combien la poésie française en vers rimés entraîne d’obstacles après elle, et que le plaisir naissait de ces obstacles mêmes. Nous avons toujours été persuadés qu’il fallait rimer pour les oreilles, non pour les yeux ; et nous avons exposé nos opinions sans suffisance, attendu notre insuffisance.

Mais toute notre modération nous abandonne aux funestes nouvelles qu’on nous mande de Paris au mont Krapack. Nous apprenons qu’il s’élève une petite secte de barbares qui veut qu’on ne fasse désormais de tragédies qu’en prose. Ce dernier coup manquait à nos douleurs : c’est l’abomination de la désolation dans le temple des Muses. Nous concevons bien que Corneille ayant mis l’Imitation de Jésus-Christ en vers, quelque mauvais plaisant aurait pu menacer le public de faire jouer une tragédie en prose par Floridor et Mondori ; mais ce projet ayant été exécuté sérieusement par l’abbé d’Aubignac, on sait quel succès il eut. On sait dans quel discrédit tomba la prose de l’Oedipe de La Motte-Houdart ; il fut presque aussi grand que celui de son Oedipe en vers. Quel malheureux Visigoth peut oser, après Cinna et Andromaque, bannir les vers du théâtre ? C’est donc à cet excès d’opprobre que nous sommes parvenus après le grand siècle ! Ah ! barbares, allez donc voir jouer cette tragédie en redingote à Faxhall, après quoi venez y manger du rosbif de mouton et boire de la bière forte.

Qu’auraient dit Racine et Boileau si on leur avait annoncé cette terrible nouvelle ? Bone Deus ! de quelle hauteur sommes-nous tombés et dans quel bourbier sommes-nous !
Il est vrai que la rime ajoute un mortel ennui aux vers médiocres.

Le poète alors est un mauvais mécanicien, qui fait entendre le bruit choquant de ses poulies et de ses cordes : ses lecteurs éprouvent la même fatigue qu’il a ressentie en rimant ; ses vers ne sont qu’un vain tintement de syllabes fastidieuses. Mais s’il pense heureusement, et s’il rime de même, il éprouve et il donne un grand plaisir, qui n’est goûté que par les âmes sensibles et par les oreilles harmonieuses.

François-Marie Arouet, dit Voltaire (1694-1778), Le Dictionnaire philosophique ou La Raison par alphabet (1764).

Scansion Lat. scansionem, de scandere, scander.
Action de scander un vers. La scansion d'un vers n'en représente pas la prononciation.

Senaire Lat. senarius, de seni, six, derivé de sex
. adj. Disposé six à six. Terme de versification ancienne. Se dit d'un vers ïambique de six pieds, et du vers hexamètre ordinaire.

Spondaïque
. adj. Terme de versification grecque et latine. Vers spondaïque, vers hexamètre dont le cinquième pied est un spondée. Se dit en outre d'un vers grec entièrement composé de spondées et qu'on nomme aussi molossique.

Spondée
. s. m. Terme de versification grecque et latine. Pied composé de deux syllabes longues.

Style

LE STYLE

PAR

VOLTAIRE

Section I.

Le style des lettres de Balzac n’aurait pas été mauvais pour des oraisons funèbres ; et nous avons quelques morceaux de physique dans le goût du poème épique et de l’ode. Il est bon que chaque chose soit à sa place.

Ce n’est pas qu’il n’y ait quelquefois un grand art, ou plutôt un très heureux naturel à mêler quelques traits d’un style majestueux dans un sujet qui demande de la simplicité ; à placer à propos de la finesse, de la délicatesse, dans un discours de véhémence et de force. Mais ces beautés ne s’enseignent pas. Il faut beaucoup d’esprit et de goût. Il serait difficile de donner des leçons de l’un et de l’autre.

Il est bien étrange que depuis que les Français s’avisèrent d’écrire, ils n’eurent aucun livre écrit d’un bon style, jusqu’à l’année 1656, où les Lettres provinciales parurent. Pourquoi personne n’avait-il écrit l’histoire d’un style convenable, jusqu’à la Conspiration de Venise de l’abbé de Saint-Réal ?

D’où vient que Pellisson eut le premier le vrai style de l’éloquence cicéronienne, dans ses mémoires pour le surintendant Fouquet ?

Rien n’est donc plus difficile et plus rare que le style convenable à la matière que l’on traite.

N’affectez point des tours inusités et des mots nouveaux dans un livre de religion, comme l’abbé Houtteville ; ne déclamez point dans un livre de physique ; point de plaisanterie en mathématique ; évitez l’enflure et les figures outrées dans un plaidoyer. Une pauvre bourgeoise ivrogne ou ivrognesse meurt d’apoplexie ; vous dites qu’elle est dans la région des morts : on l’ensevelit ; vous assurez que sa dépouille mortelle est confiée à la terre. Si on sonne pour son enterrement, c’est un son funèbre qui se fait entendre dans les nues. Vous croyez imiter Cicéron, et vous n’imitez que maître Petit-Jean.

J’ai entendu souvent demander si, dans nos meilleures tragédies, on n’avait pas trop souvent admis le style familier, qui est si voisin du style simple et naïf :

Par exemple, dans Mithridate :

Seigneur, vous changez de visage !

cela est simple, et même naïf. Ce demi-vers, placé où il est, fait un effet terrible : il tient du sublime. Au lieu que les mêmes paroles de Bérénice à Antiochus :

Prince, vous vous troublez et changez de visage (Bérénice, I, IV. ) !

ne sont que très ordinaires ; c’est une transition plutôt qu’une situation.

Rien n’est si simple que ce vers :

Madame, j’ai reçu des lettres de l’armée (Bajazet, IV, III. ).

Mais le moment où Roxane prononce ces paroles fait trembler. Cette noble simplicité est très fréquente dans Racine, et fait une de ses principales beautés.

Mais on se récria contre plusieurs vers qui ne parurent que familiers.

Il suffit ; et que fait la reine Bérénice ? ...
A-t-on vu de ma part le roi de Comagène ?
Sait-il que je l’attends ? — J’ai couru chez la reine....
Il en était sorti lorsque j’y suis couru
(Bérénice, II, I. ).

On sait qu’elle est charmante ; et de si belles mains
Semblent vous demander l’empire des humains
(Bérénice, II, II. ).

Comme vous je me perds d’autant plus que j’y pense
(Bérénice, II, V. ).

Quoi ! seigneur, le sultan reverra son visage
(Bajazet, I, I. ) !

Mais, à ne point mentir,
Votre amour dès longtemps a dû le pressentir
(Bajazet, I, IV. ).

Madame, encore un coup, c’est à vous de choisir
(Bajazet, II, I. ).

Elle veut, Acomat, que je l’épouse. — Eh bien
(Bajazet, II, III. ) !

Et je vous quitte. — Et moi je ne vous quitte pas
(Bajazet, II, V. ).

Crois-tu, si je l’épouse,
Qu’Andromaque en son coeur n’en sera point jalouse ,
(Andromaque, II, V. )

Tu vois que c’en est fait, ils se vont épouser
(Bajazet, III, III. ).

Pour bien faire il faudrait que vous le prévinssiez
(Andromaque, II, I. )....

Attendez. — Non, vois-tu, je le nierais en vain
(Bajazet, III, III. ).

 

On a trouvé une grande quantité de pareils vers trop prosaïques, et d’une familiarité qui n’est le propre que de la comédie. Mais ces vers se perdent dans la foule des bons ; ce sont des fils de laiton qui servent à joindre des diamants.

Le style élégant est si nécessaire, que sans lui la beauté des sentiments est perdue. Il suffit seul pour embellir les sentiments les moins nobles et les moins tragiques.

Croirait-on qu’on pût, entre une reine incestueuse et un père qui devient parricide, introduire une jeune amoureuse, dédaignant de subjuguer un amant qui ait déjà eu d’autres maîtresses, et mettant sa gloire à triompher de l’austérité d’un homme qui n’a jamais rien aimé ? C’est pourtant ce qu’Aricie ose dire dans le sujet tragique de Phèdre. Mais elle le dit dans des vers si séducteurs, qu’on lui pardonne ces sentiments d’une coquette de comédie (acte Il, scène i) :

Phèdre en vain s’honorait des soupirs de Thésée
Pour moi, je suis plus fière et fuis la gloire aisée
D’arracher un hommage à mille autres offert,
Et d’entrer dans un coeur de toutes parts ouvert.
Mais de faire fléchir un courage inflexible,
De porter la douleur dans une âme insensible,
D’enchaîner un captif de ses fers étonné,
Contre un joug qui lui plaît vainement mutiné ;
C’est là ce que je veux, c’est là ce qui m’irrite.
Hercule à désarmer coûtait moins qu’Hippolyte,
Et vaincu plus souvent, et plus tôt surmonté,
Préparait moins de gloire aux yeux qui l’ont dompté.

 

Ces vers ne sont pas tragiques ; mais tous les vers ne doivent pas l’être ; et s’ils ne font aucun effet au théâtre, ils charment à la lecture par la seule élégance du style.

Presque toujours les choses qu’on dit frappent moins que la manière dont on les dit ; car les hommes ont tous à peu près les mêmes idées de ce qui est à la portée de tout le monde. L’expression, le style fait toute la différence. Des déclarations d’amour, des jalousies, des ruptures, des raccommodements, forment le tissu de la plupart de nos pièces de théâtre, et surtout de celles de Racine, fondées sur ces petits moyens. Combien peu de génies ont-ils su exprimer ces nuances que tous les auteurs ont voulu peindre ! Le style rend singulières les choses les plus communes, fortifie les plus faibles, donne de la grandeur aux plus simples.

Sans le style, il est impossible qu’il y ait un seul bon ouvrage en aucun genre d’éloquence et de poésie.

La profusion des mots est le grand vice du style de presque tous nos philosophes modernes. Le Système de la nature en est un grand exemple. Il y a dans ce livre confus quatre fois trop de paroles ; et c’est en partie par cette raison qu’il est si confus.

L’auteur de ce livre dit d’abord que l’homme est l’ouvrage de la nature, qu’il existe dans la nature, qu’il ne peut même sortir de la nature que par la pensée, etc. ; que pour un être formé par la nature et circonscrit par elle, il n’existe rien au delà du grand tout dont il fait partie et dont il éprouve les influences ; qu’ainsi les êtres qu’on suppose au-dessus de la nature ou distingués d’elle-même seront toujours des chimères.

Il ajouté ensuite : « Il ne nous sera jamais possible de nous en former des idées véritables. » Mais comment peut-on se former une idée, soit fausse, soit véritable, d’une chimère, d’une chose qui n’existe point ? Ces paroles oiseuses n’ont point de sens, et ne servent qu’à l’arrondissement d’une phrase inutile.

Il ajoute encore « qu’on ne pourra jamais se former des idées véritables du lieu que ces chimères occupent, ni de leur façon d’agir. »

Mais comment des chimères peuvent-elles occuper une place dans l’espace ? comment peuvent-elles avoir des façons d’agir ? quelle serait la façon d’agir d’une chimère, qui est le néant ? Dès qu’on a dit chimère, on a tout dit :

Omne supervacuum pleno de pectore manat.
(Horat., de Art poet., 335.)

 

« Que l’homme apprenne les lois de la nature ; qu’il se soumette à ces lois auxquelles rien ne peut le soustraire ; qu’il consente à ignorer les causes entourées pour lui d’un voile impénétrable. »

Cette seconde phrase n’est point du tout une suite de la première. Au contraire, elle semble la contredire visiblement. Si l’homme apprend les lois de la nature, il connaîtra ce que nous entendons par les causes des phénomènes ; elles ne sont point pour lui entourées d’un voile impénétrable. Ce sont des expressions triviales échappées à l’écrivain.

« Qu’il subisse sans murmurer les arrêts d’une force universelle qui ne peut revenir sur ses pas, ou qui ne peut jamais s’écarter des règles que son essence lui prescrit. »

Qu’est-ce qu’une force qui ne revient point sur ses pas ? les pas d’une force ! et non content de cette fausse image, il vous en propose une autre, si vous l’aimez mieux ; et cette autre est une règle prescrite par une essence. Presque tout le livre est malheureusement écrit de ce style obscur et diffus.

« Tout ce que l’esprit humain a successivement inventé pour changer ou perfectionner sa façon d’être, n’est qu’une conséquence nécessaire de l’essence propre de l’homme et de celle des êtres qui agissent sur lui. Toutes nos institutions, nos réflexions, nos connaissances, n’ont pour objet que de nous procurer un bonheur vers lequel notre propre nature nous force de tendre sans cesse. Tout ce que nous faisons et pensons, tout ce que nous sommes et que nous serons, n’est jamais qu’une suite de ce que la nature nous a faits. »

Je n’examine point ici le fond de cette métaphysique ; je ne recherche point comment nos inventions pour changer notre façon d’être, etc., sont les effets nécessaires d’une essence qui ne change point. Je me borne au style. Tout ce que nous serons n’est jamais : quel solécisme ! une suite de ce que la nature nous a faits ! quel autre solécisme ! il fallait dire : ne sera jamais qu’une suite des lois de la nature. Mais il l’a déjà dit quatre fois en trois pages.

Il est très difficile de se faire des idées nettes sur Dieu et sur la nature ; il est peut-être aussi difficile de se faire un bon style.

Voici un monument singulier de style dans un discours que nous entendîmes à Versailles en 1745.

Harangue au roi, prononcée par M. Le Camus, premier président de la cour des aides.
— Sire, les conquêtes de Votre Majesté sont si rapides, qu’il s’agit de ménager la croyance des descendants, et d’adoucir la surprise des miracles, de peur que les héros ne se dispensent de les suivre, et les peuples de les croire.

Non, sire, il n’est plus possible qu’ils en doutent lorsqu’ils liront dans l’histoire qu’on a vu Votre Majesté à la tête de ses troupes les écrire elle-même au champ de Mars sur un tambour ; c’est les avoir gravés à toujours au temple de mémoire.

Les siècles les plus reculés sauront que l’Anglais, cet ennemi fier et audacieux, cet ennemi jaloux de votre gloire, a été forcé de tourner autour de votre victoire ; que leurs alliés ont été témoins de leur honte, et qu’ils n’ont tous accouru au combat que pour immortaliser le triomphe du vainqueur.

Nous n’osons dire à Votre Majesté, quelque amour qu’elle ait pour son peuple, qu’il n’y a plus qu’un secret d’augmenter notre bonheur, c’est de diminuer son courage, et que le ciel nous vendrait trop cher ses prodiges s’il nous en coûtait vos dangers, ou ceux du jeune héros qui forme nos plus chères espérances.

 

Section II.

Sur la corruption du style.

On se plaint généralement que l’éloquence est corrompue, quoique nous ayons des modèles presque en tous les genres. Un des grands défauts de ce siècle, qui contribue le plus à cette décadence, c’est le mélange des styles. Il me semble que nous autres auteurs, nous n’imitons pas assez les peintres, qui ne joignent jamais des attitudes de Callot à des figures de Raphaël. Je vois qu’on affecte quelquefois dans des histoires, d’ailleurs bien écrites, dans de bons ouvrages dogmatiques, le ton le plus familier de la conversation. Quelqu’un a dit autrefois qu’il faut écrire comme on parle ; le sens de cette loi est qu’on écrive naturellement. On tolère dans une lettre l’irrégularité, la licence du style, l’incorrection, les plaisanteries hasardées ; parce que des lettres écrites sans dessein et sans art sont des entretiens négligés : mais quand on parle ou qu’on écrit avec respect, on s’astreint alors à la bienséance. Or je demande à qui on doit plus de respect qu’au public ?

Est-il permis de dire dans des ouvrages de mathématique, « qu’un géomètre qui veut faire son salut doit monter au ciel en ligne perpendiculaire ; que les quantités qui s’évanouissent donnent du nez en terre pour avoir voulu trop s’élever ; qu’une semence qu’on a mise le germe en bas s’aperçoit du tour qu’on lui joue, et se relève ; que si Saturne périssait, ce serait son cinquième satellite, et non le premier, qui prendrait sa place, parce que les rois éloignent toujours d’eux leurs héritiers ; qu’il n’y a de vide que dans la bourse d’un homme ruiné ; qu’Hercule était un physicien, et qu’on ne pouvait résister à un philosophe de cette force ? »

Des livres très estimables sont infectés de cette tache. La source d’un défaut si commun vient, ce me semble, du reproche de pédantisme qu’on a fait longtemps et justement aux auteurs : In vitium ducit culpae fuga (Horace, De arte poét., vers 31.). On a tant répété qu’on doit écrire du ton de la bonne compagnie, que les auteurs les plus sérieux sont devenus plaisants, et, pour être de bonne compagnie avec leurs lecteurs, ont dit des choses de très mauvaise compagnie.

On a voulu parler de science comme Voiture parlait à Mlle Paulet de galanterie, sans savoir que Voiture même n’avait pas saisi le véritable goût de ce petit genre dans lequel il passa pour exceller ; car souvent il prenait le faux pour le délicat, et le précieux pour le naturel. La plaisanterie n’est jamais bonne dans le genre sérieux, parce qu’elle ne porte jamais que sur un côté des objets qui n’est pas celui que l’on considère ; elle roule presque toujours sur des rapports faux, sur des équivoques : de là vient que les plaisants de profession ont presque tous l’esprit faux autant que superficiel.

Il me semble qu’en poésie on ne doit pas plus mélanger les styles qu’en prose. Le style marotique a depuis quelque temps gâté un peu la poésie par cette bigarrure de termes bas et nobles, surannés et modernes ; on entend dans quelques pièces de morale les sons du sifflet de Rabelais parmi ceux de la flûte d’Horace.

Il faut parler français : Boileau n’eut qu’un langage ;
Son esprit était juste, et son style était sage.
Sers-toi de ses leçons : laisse aux esprits mal faits
L’art de moraliser du ton de Rabelais

(Voltaire, Septième Discours sur l’homme.)

 

J’avoue que je suis révolté de voir dans une épître sérieuse les expressions suivantes :

Des rimeurs disloqués, à qui le cerveau tinte,
Plus amers qu’aloès et jus de coloquinte,
Vices portant méchef. Gens de tel acabit,
Chiffonniers, Ostrogoths, maroufles que Dieu fit.
De tous ces termes bas l’entassement facile
Déshonore à la fois le génie et le style. (*)

(*) Ce ne sont pas tout à fait les vers, mais ce sont les expressions de J. B. Rousseau, liv. I, épître III, à Clément Marot :

Me défigure en ses vers ostrogoths....
De chiffonniers de la double colline,...
Ta plume baptisa
De noms trop doux gens de tel acabit :
Ce sont trop bien maroufles que Dieu fit…
Ce rimeur si sucré
Devient amer quand le cerveau lui tinte,
Plus qu’aloès et jus de coloquinte.

 

GENRE DE STYLE

Comme le genre d’exécution que doit employer tout artiste dépend de l’objet qu’il traite ; comme le genre du Poussin n’est point celui de Teniers, ni l’architecture d’un temple celle d’une maison commune, ni la musique d’un opéra-tragédie celle d’un opéra-bouffon ; aussi chaque genre d’écrire a son style propre en prose et en vers. On sait assez que le style de l’histoire n’est pas celui d’une oraison funèbre, qu’une dépêche d’ambassadeur ne doit pas être écrite comme un sermon, que la comédie ne doit point se servir des tours hardis de l’ode, des expressions pathétiques de la tragédie, ni des métaphores et des comparaisons de l’épopée.

Chaque genre a ses nuances différentes : on peut, au fond, les réduire à deux, le simple et le relevé. Ces deux genres, qui en embrassent tant d’autres, ont des beautés nécessaires qui leur sont également communes : ces beautés sont la justesse des idées, leur convenance, l’élégance, la propriété des expressions, la pureté du langage. Tout écrit, de quelque nature qu’il soit, exige ces qualités ; les différences consistent dans les idées propres à chaque sujet, dans les tropes. Ainsi un personnage de comédie n’aura ni idées sublimes, ni idées philosophiques ; un berger n’aura point les idées d’un conquérant ; une épître didactique ne respirera point la passion ; et dans aucun de ces écrits, on n’emploiera ni métaphores hardies, ni exclamations pathétiques, ni expressions véhémentes.

Entre le simple et le sublime, il y a plusieurs nuances ; et c’est l’art de les assortir qui contribue à la perfection de l’éloquence et de la poésie. C’est par cet art que Virgile s’est élevé quelquefois dans l’églogue. Ce vers :

Ut vidi, ut perii, ut me malus abstulit error ! (Eclogue, VIII, 41.)

 

serait aussi beau dans la bouche de Didon que dans celle d’un berger, parce qu’il est naturel, vrai et élégant, et que le sentiment qu’il renferme convient à toutes sortes d’états. Mais ce vers :

Castaneasque nuces mea quas Amaryllis amabat. (Eclogue, II, 52.)

 

ne conviendrait pas à un personnage héroïque, parce qu’il a pour objet une chose trop petite pour un héros.

Nous n’entendons point par petit ce qui est bas et grossier ; car le bas et le grossier n’est point un genre, c’est un défaut.

Ces deux exemples font voir évidemment dans quel cas on doit se permettre le mélange des styles, et quand on doit se le défendre. La tragédie peut s’abaisser, elle le doit même ; la simplicité relève souvent la grandeur, selon le précepte d’Horace :

Et tragicus plerumque dolet sermone pedestri. (De Art. poet., 45.)

 

Ainsi ces deux beaux vers de Titus, si naturels et si tendres

Depuis cinq ans entiers chaque jour je la vois,
Et crois toujours la voir pour la première fois. (Racine, Bérénice, acte II, scène II.)

 

ne seraient point du tout déplacés dans le haut comique ; mais ce vers d’Antiochus :

Dans l’orient désert quel devint mon ennui ! (Racine, Bérénice, acte I, scène IV.)

 

ne pourrait convenir à un amant dans une comédie, parce que cette belle expression figurée dans l’Orient désert, est d’un genre trop relevé pour la simplicité des brodequins. Nous avons remarqué déjà, au mot Esprit, qu’un auteur, qui a écrit sur la physique et qui prétend qu’il y a eu un Hercule physicien, ajoute « qu’on ne pouvait résister à un philosophe de cette force. » Un autre, qui vient d’écrire un petit livre (lequel il suppose être physique et moral) contre l’utilité de l’inoculation, dit que « si on mettait en usage la petite vérole artificielle, la Mort serait bien attrapée. »

Ce défaut vient d’une affectation ridicule. Il en est un autre qui n’est que l’effet de la négligence : c’est de mêler au style simple et noble qu’exige l’histoire, ces termes populaires, ces expressions triviales que la bienséance réprouve. On trouve trop souvent dans Mézerai, et même dans Daniel, qui, ayant écrit longtemps après lui, devrait être plus correct, « qu’un général, sur ces entrefaites, se mit aux trousses de l’ennemi ; qu’il suivit sa pointe, qu’il le battit à plate couture. » On ne voit point de pareille bassesse de style dans Tite Live, dans Tacite, dans Guichardin, dans Clarendon.

Remarquons ici qu’un auteur qui s’est fait un genre de style peut rarement le changer quand il change d’objet. La Fontaine, dans ses opéras, emploie le même genre qui lui est si naturel dans ses contes et dans ses fables. Benserade mit dans sa traduction des Métamorphoses d’Ovide le genre de plaisanterie qui l’avait fait réussir dans des madrigaux. La perfection consisterait à savoir assortir toujours son style à la matière qu’on traite ; mais qui peut être le maître de son habitude, et ployer son génie à son gré ?

François-Marie Arouet, dit Voltaire (1694-1778), Le Dictionnaire philosophique ou La Raison par alphabet (1764).

Tautogrammatique
. adj. Synonyme de tautogramme, adjectif.

Tautogramme Du grec, le même (du grec, le, et, même), et, lettre, et, écrire. Pièce de vers où l'on n'emploie que des mots qui commencent tous par la même lettre.
Adj. Vers tautogrammes, dits aussi vers lettrisés, vers dont les mots commencent par une même lettre.

Tribraque
Terme de prosodie grecque et latine. Pied d'un vers grec ou latin composé de trois syllabes brèves.

Trochée
Terme de prosodie grecque et latine. Pied formé de deux syllabes, une longue et une brève.

Vers
Assemblage de mots mesurés et cadencés selon certaines règles fixes et déterminées.

Grands vers, les vers alexandrins, les vers de douze syllabes.
Petits vers, le vers de huit syllabes et au-dessous.
Vers à la façon de Neuf-Germain, vers où un mot donné, un nom propre comme Aristide, était décompose en ses trois syllabes, A-, ris-tide, lesquelles terminaient chacune un vers ; après cela venait un quatrième vers terminé par le mot entier Aristide ; et les couplets suivants étaient réglés de la même manière.
Vers blancs, vers non rimés dans les langues où la rime est en usage.
Vers commun, le vers de dix syllabes.
Vers de société, petites pièces de vers que l'on compose ou que l'on lit dans la société, dans les salons.
Vers d'or ou vers dorés, vers gnomiques attribués à Pythagore.
Vers libres, vers de différentes mesures, qui ne sont pas soumis à des retours réguliers. Les Fables de la Fontaine sont en vers libres.
Vers métriques, vers essayés dans le XVIe siècle, où l'on croyait imiter les longues et les brèves des vers latins.
Vers politiques, vers rimés de treize syllabes, employés en grec moderne.

ÉTYMOLOGIE
Provenç. vers ; ital. verso ; du lat. versus, vers, proprement ligne, rangée, sillon, de versus, tourné. M. Max Müller rapproche de versus le sanscrit vritta (i bref), qui désigne la règle imposant une certaine quantité fixe à l'avant-dernière syllabe dans les vers védiques. Vritta (i bref) signifie tour, comme versus signifie tourné. Les vers n'ayant été écrits que longtemps après avoir été chantés, il faut entendre le tour de la danse, chaque vers accompagnant une allée, au bout de laquelle il y avait un tour et une venue.

VERS ET POÉSIE

PAR

VOLTAIRE

Il est aisé d’être prosateur, très difficile et très rare d’être poète. Plus d’un prosateur a fait semblant de mépriser la poésie. Il faut leur rappeler souvent le mot de Montaigne : « Nous ne pouvons y atteindre, vengeons-nous par en médire. »

Nous avons déjà remarqué que Montesquieu, n’ayant pu réussir en vers, s’avisa, dans ses Lettres persanes, de n’admettre nul mérite dans Virgile et dans Horace. L’éloquent Bossuet tenta de faire quelques vers, et les fit détestables ; mais il se garda bien de déclamer contre les grands poètes.

Fénelon ne fit guère de meilleurs vers que Bossuet ; mais il savait par coeur presque toutes les belles poésies de l’antiquité : son esprit en est plein ; il les cite souvent dans ses lettres.

Il me semble qu’il n’y a jamais eu d’homme véritablement éloquent qui n’ait aimé la poésie. Je n’en citerai pour exemples que César et Cicéron : l’un fit la tragédie d’Oedipe ; nous avons de l’autre des morceaux de poésie qui pouvaient passer pour les meilleurs avant que Lucrèce, Virgile, et Horace, parussent.

Rien n’est plus aisé que de faire de mauvais vers en français ; rien de plus difficile que d’en faire de bons. Trois choses rendent cette difficulté presque insurmontable la gêne de la rime, le trop petit nombre de rimes nobles et heureuses, la privation de ces inversions dont le grec et le latin abondent. Aussi nous avons très peu de poètes qui soient toujours élégants et toujours corrects. Il n’y a peut-être en France que Racine et Boileau qui aient une élégance continue. Mais remarquez que les beaux morceaux de Corneille sont toujours bien écrits, à quelques petites fautes près. On en peut dire autant des meilleures scènes en vers de Molière, des opéras de Quinault, de bonnes fables de La Fontaine. Ce sont là les seuls génies qui ont illustré la poésie en France dans le grand siècle. Presque tous les autres ont manqué de naturel, de variété, d’éloquence, d’élégance, de justesse, de cette logique secrète qui doit guider toutes les pensées sans jamais paraître ; presque tous ont péché contre la langue.

Quelquefois au théâtre on est ébloui d’une tirade de vers pompeux, récités avec emphase. L’homme sans discernement applaudit, l’homme de goût condamne. Mais comment l’homme de goût fera-t-il comprendre à l’autre que les vers applaudis par lui ne valent rien ? Si je ne me trompe, voici la méthode la plus sûre.

Dépouillez les vers de la cadence et de la rime, sans y rien changer d’ailleurs. Alors la faiblesse et la fausseté de la pensée, ou l’impropriété des termes, ou le solécisme, ou le barbarisme, ou l’ampoulé, se manifeste dans toute sa turpitude.

Faites cette expérience sur tous les vers de la tragédie d’Iphigénie, ou d’Armide, et sur ceux de l’Art poétique, vous n’y trouverez aucun de ces défauts, pas un mot vicieux, pas un mot hors de sa place. Vous verrez que l’auteur a toujours exprimé heureusement sa pensée, et que la gêne de la rime n’a rien coûté au sens.

Prenez au hasard toute autre pièce de vers, par exemple, la tragédie de Didon, qui me tombe actuellement sous la main. Voici le discours que tient Iarbe, à la première scène :

Tous mes ambassadeurs irrités et confus
Trop souvent de la reine ont subi les refus.
Voisin de ses États, faibles dans leur naissance,
Je croyais que Didon, redoutant ma vengeance,
Se résoudrait sans peine à l’hymen glorieux
D’un monarque puissant, fils du maître des dieux.
Je contiens cependant la fureur qui m’anime ;
Et déguisant encor mon dépit légitime,
Pour la dernière fois en proie à ses hauteurs,
Je viens sous le faux nom de mes ambassadeurs,
Au milieu de la cour d’une reine étrangère,
D’un refus obstiné pénétrer le mystère ;
Que sais-je ? ... n’écouter qu’un transport amoureux,
Me découvrir moi-même, et déclarer mes feux.

Otez la rime, et tous serez révolté de voir subir des refus ; parce qu’on essuie un refus, et qu’on subit une peine. Subir un refus est un barbarisme.

« Je croyais que Didon, redoutant ma vengeance, se résoudrait sans peine. » Si elle ne se résolvait que par crainte de la vengeance, il est bien clair qu’alors elle ne se résoudrait pas sans peine, mais avec beaucoup de peine et de douleur. Elle se résoudrait malgré elle ; elle prendrait un parti forcé. Iarbe, en parlant ainsi, fait un contresens.

Il dit « qu’il est en proie aux hauteurs de la reine. » On peut être exposé à des hauteurs, mais on ne peut y être en proie, comme on l’est à la colère, à la vengeance, à la cruauté. Pourquoi ? c’est que la cruauté, la vengeance, la colère poursuivent en effet l’objet de leur ressentiment ; et cet objet est regardé comme leur proie : mais des hauteurs ne poursuivent personne ; les hauteurs n’ont point de proie.

« Il vient sous le faux nom de ses ambassadeurs. Tous ses ambassadeurs ont subi des refus. » Il est impossible qu’il vienne sous le nom de tant d’ambassadeurs à la fois. Un homme ne peut porter qu’un nom ; et s’il prend le nom d’un ambassadeur, il ne peut prendre le faux nom de cet ambassadeur, il prend le véritable nom de ce ministre. Iarbe dit donc tout le contraire de ce qu’il veut dire, et ce qu’il dit ne forme aucun sens.

« Il veut pénétrer le mystère d’un refus. » Mais s’il a été refusé avec tant de hauteur, il n’y a nul mystère à ce refus. Il veut dire qu’il cherche à en pénétrer les raisons. Mais il y a grande différence entre raison et mystère. Sans le mot propre, on n’exprime jamais bien ce qu’on pense.

« Que sais-je ? .. n’écouter qu’un transport amoureux, me découvrir moi-même, et déclarer mes feux. »

Ces mots que sais-je ? font attendre que Iarbe va se livrer à la fureur de sa passion. Point du tout : il dit qu’il parlera peut-être d’amour à sa maîtresse ; ce qui n’est assurément ni extraordinaire, ni dangereux, ni tragique, et ce qu’il devrait avoir déjà fait. Observez encore que s’il se découvre, il faut bien qu’il se découvre lui-même : ce lui-même est un pléonasme.

Ce n’est pas ainsi que dans l’Andromaque Racine fait parler Oreste, qui se trouve à peu près dans la même situation.

Il dit :

Je me livre en aveugle au transport qui m’entraîne.
J’aime, je viens chercher Hermione en ces lieux,
La fléchir, l’enlever, ou mourir à ses yeux.

Racine, Andromaque, acte I, sc. I.

Voilà comme devait s’exprimer un caractère fougueux et passionné, tel qu’on peint Iarbe.

Que de fautes dans ce peu de vers dès la première scène ! presque chaque mot est un défaut. Et si on voulait examiner ainsi tous nos ouvrages dramatiques, y en a-t-il un seul qui pût tenir contre une critique sévère ?

L’Inès de La Motte est certainement une pièce touchante, on ne peut voir le dernier acte sans verser des larmes. L’auteur avait infiniment d’esprit ; il l’avait juste, éclairé, délicat et fécond ; mais, dès le commencement de la pièce, quelle versification faible, languissante, décousue, obscure, et quelle impropriété de termes !

Mon fils ne me suit point : il a craint, je le vois,
D’être ici le témoin du bruit de ses exploits.
Vous, Rodrigue, le sang vous attache à sa gloire
Votre valeur, Henrique, eut part à sa victoire.
Ressentez avec moi sa nouvelle grandeur.
Reine, de Ferdinand voici l’ambassadeur

Inès de Castro, I, I.

D’abord, on ne sait quel est le personnage qui parle, ni à qui il s’adresse, ni dans quel lieu il est, ni de quelle victoire il s’agit ; et c’est pécher contre la grande règle de Boileau et du bon sens.

Le sujet n’est jamais assez tôt expliqué
Que le lieu de la scène y soit fixe et marqué.

Boileau, Art poétique, chant III, 37.

Que dès les premiers vers l’action préparée
Sans peine du sujet aplanisse l’entrée.

Boileau, Art poétique, vers 27.

Ensuite, remarquez qu’on n’est point témoin d’un bruit d’exploits. Cette expression est vicieuse. L’auteur entend que peut-être ce fils trop modeste craint de jouir de sa renommée, qu’il veut se dérober aux honneurs qu’on s’empresse à lui rendre. Ces expressions seraient plus justes et plus nobles. Il s’agit d’une ambassade envoyée pour féliciter le prince. Ce n’est pas là un bruit d’exploits.

Vous, Rodrigue. Vous,Henrique. Il semble que le roi aille donner ses ordres à ce Rodrigue et à ce Henrique : point du tout, il ne leur ordonne rien, il ne leur apprend rien. Il s’interrompt pour leur dire seulement : Ressentez avec moi la nouvelle grandeur de mon fils. On ne ressent point une grandeur. Ce terme est absolument impropre ; c’est une espèce de barbarisme. L’auteur aurait pu dire : partagez son triomphe ainsi que son bonheur.

Le roi s’interrompt encore pour dire : Reine, de Ferdinand voici l’ambassadeur, sans apprendre au public quel est ce Ferdinand, et de quel pays cet ambassadeur est venu. Aussitôt l’ambassadeur arrive. On apprend qu’il vient de Castille ; que le personnage qui vient de parler est roi de Portugal, et qu’il vient le complimenter sur les victoires de l’infant son fils. Le roi de Portugal répond au compliment de cet ambassadeur de Castille, qu’il va enfin marier son fils à la soeur de Ferdinand, roi de Castille.

  Allez ; de mes desseins instruisez la Castille ;
Faites savoir au roi cet hymen triomphant
Dont je vais couronner les exploits de l’infant

Inès de Castro, I., II.

Faire savoir un hymen, est sec et sans élégance. Un hymen triomphant, est très impropre et très vicieux, parce que cet hymen ne triomphe pas.

Couronner les exploits d’un hymen, est trop trivial et n’est point à sa place, parce que ce mariage était conclu avant les triomphes de l’infant. Une plus grande faute est celle de dire sèchement à l’ambassadeur : Allez-vous-en, comme si on parlait à un courrier ; c’est manquer à la bienséance. Quand Pyrrhus donne audience à Oreste dans L’Andromaque, et lorsqu’il refuse ses propositions, il lui dit :

Vous pouvez cependant voir la fille d’Hélène.
Du sang qui vous unit je sais l’étroite chaîne.
Après cela, seigneur, je ne vous retiens plus.

Racine, Andromaque, acte I, sc. II.

Toutes les bienséances sont observées dans le discours de Pyrrhus ; c’est une régie qu’il ne faut jamais violer.

Quand l’ambassadeur a été congédié, le roi de Portugal dit à sa femme (sc. III) :

…. (Mon fils) est enfin digne que la princesse
Lui donne avec sa main l’estime et la tendresse.

Voilà un solécisme intolérable, ou plutôt un barbarisme. On ne donne point l’estime et la tendresse comme on donne le bonjour. Le pronom était absolument nécessaire ; les esprits les plus grossiers sentent cette nécessité. Jamais le bourgeois le plus mal élevé n’a dit à sa maîtresse, accordez-moi l’estime, mais votre estime. La raison en est que tous nos sentiments nous appartiennent. Vous excitez ma colère, et non pas la colère ; mon indignation, et non pas l’indignation, à moins qu’on n’entende l’indignation, la colère du public. On dit, vous avez l’estime et l’amour du peuple ; vous avez mon amour et mon estime. Le vers de La Motte n’est pas français ; et rien n’est peut-être plus rare que de parler français dans notre poésie.

Mais, me dira-t-on, malgré cette mauvaise versification, Inès réussit : oui ; elle réussirait cent fois davantage si elle était bien écrite ; elle serait au rang des pièces de Racine, dont le style est, sans contredit, le principal mérite.

Il n’y a de vraie réputation que celle qui est formée à la longue par le suffrage unanime des connaisseurs sévères. Je ne parle ici que d’après eux ; je ne critique aucun mot, aucune phrase, sans en rendre une raison évidente. Je me garde bien d’en user comme ces regrattiers insolents de la littérature, ces faiseurs d’observations à tant la feuille, qui usurpent le nom de journalistes ; qui croient flatter la malignité du public en disant : « Cela est ridicule, cela est pitoyable, » sans rien discuter, sans rien prouver. Ils débitent pour toute raison des injures, des sarcasmes, des calomnies. Ils tiennent bureau ouvert de médisance, au lieu d’ouvrir une école où l’on puisse s’instruire.

Celui qui dit librement son avis, sans outrage et sans raillerie amère : qui raisonne avec son lecteur ; qui cherche sérieusement à épurer la langue et le goût, mérite au moins l’indulgence de ses concitoyens. Il y a plus de soixante ans que j’étudie l’art des vers, et peut-être suis-je en droit de dire mon sentiment. Je dis donc qu’un vers, pour être bon, doit être semblable à l’or, en avoir le poids, le titre et le son le poids, c’est la pensée ; le titre, c’est la pureté élégante du style ; le son, c’est l’harmonie. Si l’une de ces trois qualités manque, le vers ne vaut rien.

J’avance hardiment sans crainte d’être démenti par quiconque a du goût, qu’il y a plusieurs pièces de Corneille où l’on ne trouvera pas six vers irrépréhensibles de suite. Je mets de ce nombre Théodore, Don Sanche, Attila, Bérénice, Agésilas ; et je pourrais augmente beaucoup cette liste. Je ne parle pas ainsi pour dépriser le mâle et puissant génie de Corneille, mais pour faire voir combien la versification française est difficile, et plutôt pour excuser ceux qui l’ont imité dans ses défauts que pour les condamner. Si vous lisez le Cid, les Horaces, Cinna, Pompée, Polyeucte, avec le même esprit de critique, vous y trouverez souvent douze vers de suite, je ne dis pas seulement bien faits, mais admirables.

Tous les gens de lettres savent que lorsqu’on apporta au sévère Boileau la tragédie de Rhadamiste, il n’en put achever la lecture, et qu’il jeta le livre à la moitié du second acte. « Les Pradons, dit-il, dont nous nous sommes tant moqués, étaient des soleils en comparaison de ces gens-ci. » L’abbé Fraguier et l’abbé Gédoyn étaient présents avec Le Verrier, qui lisait la pièce. Je les entendis plus d’une fois raconter cette anecdote ; et Racine le fils en fait mention dans la Vie de son père. L’abbé Gédoyn nous disait que ce qui les avait d’abord révoltés tous, était l’obscurité de l’exposition faite en mauvais vers. « En effet, disait-il, nous ne pûmes jamais comprendre ces vers de Zénobie :

  A peine je touchais à mon troisième lustre,
Lorsque tout fut conclu pour cet hymen illustre.
Rhadamiste déjà s’en croyait assuré,
Quand son père cruel, contre nous conjuré,
Entra dans nos États suivi de Tiridate,
Qui brûlait de s’unir au sang de Mithridate :
Et ce Parthe, indigné qu’on lui ravît ma foi,
Sema partout l’horreur, le désordre et l’effroi.
Mithridate, accablé par son indigne frère,
Fit tomber sur le fils les cruautés du père.

Crébillon, Rhadamiste et Zénobie, acte I, sc. I.

« Nous sentîmes tous, dit l’abbé Gédoyn, que l’hymen illustre n’était que pour rimer à troisième lustre : que le père cruel contre nous conjuré, et entrant dans nos États suivi de Tiridate, qui brûlait de s’unir au sang de Mithridate, était inintelligible à des auditeurs qui ne savaient encore ni qui était ce Tiridate, ni qui était ce Mithridate : que ce Parthe semant partout l’horreur, le désordre et l’effroi, sont des expressions vagues, rebattues, qui n’apprennent rien de positif que les cruautés du père tombant sur le fils, sont une équivoque ; qu’on ne sait si c’est le père qui poursuit le fils, ou si c’est Mithridate qui se venge sur le fils des cruautés du père. »

Le reste de l’exposition n’est guère plus clair. Ce défaut devait choquer étrangement Boileau et ses élèves, Boileau surtout qui avait dit dans sa Poétique :

Je me ris d’un acteur, qui, lent à s’exprimer,
De ce qu’il veut d’abord ne sait pas m’informer ;
Et qui, débrouillant mal une pénible intrigue,
D’un divertissement me fait une fatigue.

Boileau, Art poétique, chant III, 29

L’abbé Gédoyn ajoutait que Boileau avait arraché la pièce des mains de Le Verrier, et l’avait jetée par terre à ces vers :

  Eh ! que sais-je, Hiéron ? furieux, incertain,
Criminel sans penchant, vertueux sans dessein,
Jouet infortuné de ma douleur extrême,
Dans l’état où je suis me connais-je moi-même ?
Mon coeur, de soins divers sans cesse combattu,
Ennemi du forfait sans aimer la vertu, etc.

Crébillon, Rhadamiste et Zénobie, acte Il, sc. I.

Ces antithèses, en effet, ne forment qu’un contre sens inintelligible. Que signifie criminel sans penchant ? Il fallait au moins dire sans penchant au crime. Il fallait jouter contre ces beaux vers de Quinault :

Le destin de Médée est d’être criminelle
Mais son coeur était fait pour aimer la vertu.

Thésée, acte Il, sc. I.

Vertueux sans dessein : sans quel dessein ? Est-ce sans dessein d’être vertueux ? Il est impossible de tirer de ces vers un sens raisonnable.

Comment le même homme qui vient de dire qu’il est vertueux, quoique sans dessein, peut-il dire qu’il n’aime point la vertu ? Avouons que tout cela est un étrange galimatias, et que Boileau avait raison.

Par un don de César je suis roi d’Arménie,
Parce qu’il croit par moi détruire l’Ibérie.

Crébillon, Rhadamiste et Zénobie, acte II, sc. I.

 

Boileau avait dit :

Fuyez des mauvais sons le concours odieux.

Boileau, Art poétique, chant I, 110.

Certes, ce vers : Parce qu’il croit par moi, devait révolter son oreille.

Le dégoût et l’impatience de ce grand critique étaient donc très excusables. Mais s’il avait entendu le reste de la pièce, il y aurait trouvé des beautés, de l’intérêt, du pathétique, du neuf, et plusieurs vers dignes de Corneille.

Il est vrai que dans un ouvrage de longue haleine on doit pardonner à quelques vers mal faits, à quelques fautes contre la langue ; mais en général un style pur et châtié est absolument nécessaire. Ne nous lassons point de citer l’Art poétique ; il est le code, non seulement des poètes, mais même des prosateurs :

Mon esprit n’admet point un pompeux barbarisme,
Ni d’un vers ampoulé l’orgueilleux solécisme.
Sans la langue, en un mot, l’auteur le plus divin
Est toujours, quoi qu’il fasse, un méchant écrivain.

Boileau, Art poétique, chant I,159.

On peut être sans doute très ennuyeux en écrivant bien ; mais on l’est bien davantage en écrivant mal.

N’oublions pas de dire qu’un style froid, languissant, décousu, sans grâces et sans force, dépourvu de génie et de variété, est encore pire que mille solécismes. Voilà pourquoi sur cent poètes il s’en trouve à peine un qu’on puisse lire. Songez à toutes les pièces de vers dont nos mercures sont surchargés depuis cent ans, et voyez si de dix mille il y en a deux dont on se souvienne. Nous avons environ quatre mille pièces de théâtre : combien peu sont échappées à un éternel oubli !

Est-il possible qu’après les vers de Racine, des barbares aient osé forger des vers tels que ceux-ci :

Le lac où vous avez cent barques toutes prêtes,
Lavant le pied des murs du palais, où vous êtes,
Vous peut faire aisément regagner Tézeuco ;
Ses ports nous sont ouverts. D’ailleurs à Tabasco....
Vous le savez, seigneur, l’ardeur était nouvelle,
Et d’un premier butin l’espérance étant belle....
Ne le bravons donc pas, risquons moins, et que Charle
En maître désormais se présente et lui parle (Piron, Fernand Cortez, I, IV.).
Ce prêtre d’un grand deuil menace Tlascala,
Est-ce assez ? Sa fureur n’en demeure pas là (Piron, Fernand Cortez, , I, V.).
Nous saurons les serrer. Mais dans un temps plus calme
Le myrte ne se doit cueillir qu’après la palme (Piron, Fernand Cortez, I, VI.).
Il apprit que le trône est l’autel éminent
D’où part du roi des rois l’oracle dominant,
Que le sceptre est la verge (Piron, Fernand Cortez., III, IV.), etc.

Est-ce sur le théâtre d’Iphigénie et de Phèdre, est-ce chez les Hurons, chez les Illinois, qu’on a fait ronfler ces vers et qu’on les a imprimés ?

Il y a quelquefois des vers qui paraissent d’abord moins ridicules, mais qui le sont encore plus, pour peu qu’ils soient examinés par un sage critique.

CATILINA.
Quoi ! madame, aux autels vous devancez l’aurore !
Eh ! quel soin si pressant vous y conduit encore ?
Qu’il m’est doux cependant de revoir vos beaux yeux,
Et de pouvoir ici rassembler tous mes dieux !

TULLIE
Si ce sont là les dieux à qui tu sacrifies,
Apprends qu’ils ont toujours abhorré les impies ;
Et que si leur pouvoir égalait leur courroux,
La foudre deviendrait le moindre de leurs coups.

CATILINA.
Tullie, expliquez-moi ce que je viens d’entendre.

Crébillon, Catilina, acte I, sc. III

Il a bien raison de demander à Tullie l’explication de tout ce galimatias.

Une femme qui devance l’aurore aux autels,
Et qu’un soin pressant y conduit encore.
Ses beaux yeux qui s’y rassemblent avec tous les dieux,
Ces beaux yeux qui abhorrent les impies,
Ces yeux dont la foudre deviendrait le moindre coup,
Si leur pouvoir égalait le courroux de ces yeux, etc.

De telles tirades (et qui sont en très grand nombre) sont encore pires que le lac qui peut faire aisément regagner Tézeuco, et dont les ports sont ouverts d’ailleurs à Tabasco. Et que pouvons-nous dire d’un siècle qui a vu représenter des tragédies écrites tout entières dans ce style barbare ?

Je le répète je mets ces exemples sous les yeux, pour faire voir aux jeunes gens dans quels excès incroyables on peut tomber quand on se livre à la fureur de rimer sans demander conseil. Je dois exhorter les artistes à se nourrir du style de Racine et de Boileau, pour empêcher le siècle de tomber dans la plus ignominieuse barbarie.

On dira, si l’on veut, que je suis jaloux des beaux yeux rassemblés avec les dieux, et dont la foudre est le moindre coup. Je répondrai que j’ai les mauvais vers en horreur, et que je suis en droit de le dire.

Un abbé Trublet a imprimé qu’il ne pouvait lire un poème tout de suite. Eh ! monsieur l’abbé, que peut-on lire, que peut-on entendre, que peut-on faire longtemps et tout de suite ?

François-Marie Arouet, dit Voltaire (1694-1778), Le Dictionnaire philosophique ou La Raison par alphabet (1764).

Versification Lat. versificationem, de versificare, versifier.
1 - Art, manière de faire les vers.
« Comme il peut y avoir versification sans poésie, et poésie sans versification, nous avons cru ne devoir regarder la versification que comme une qualité du style, et la renvoyer à l'art oratoire », Jean Le Rond D'Alembert (1717-1783), Oeuvres.

2 - Emploi du style en vers.
« La versification est nécessaire à l'ode et à l'épopée » , Étienne Bonnot de Condillac (1715-1780), Art d'écrire, IV, 5.

 


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